Pour la première fois en cette rentrée, tous les internats des classes préparatoires aux grandes écoles d’Ile-de-France accueillent des filles. Il aura fallu deux ans pour que la revendication du collectif « Ouvrons les portes » aboutisse.
« Si on veut que les filles s’impliquent davantage dans les carrières scientifiques, il faut que l’on crée les conditions de l’égalité. Et la question des internats est à la fois symbolique et pratique, car cela crée de meilleures conditions de travail. » La vice-présidente du Conseil régional d’Ile-de-France en charge des lycées peut être « très satisfaite » : en cette rentrée scolaire 2011, la mixité est enfin de mise dans tous les internats des classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) de la région. Mais Henriette Zoughebi admet que « ce n’est qu’une étape. Pour que l’égalité soit parfaite, il y a encore du travail. »
« Ce n’est qu’un début », renchérit Jacqueline Marguin-Durand, le proviseur (ou la proviseure, « c’est comme vous voulez ») du lycée Jean-Baptiste-Say, dans le XVIème arrondissement de Paris. Désormais, son internat qui compte 55 lits en chambres individuelles dispose de 10 places pour les jeunes filles.
Discriminatoire
A la rentrée 2010, le lycée Henri-IV, avait ouvert la voie en aménageant une partie de son internat pour que des filles occupent 21 de ses 135 lits (des travaux supplémentaires doivent permettre la création de 23 nouvelles places féminines en 2013). Comme Jean-Baptiste-Say, les autres derniers récalcitrants – Janson-de-Sailly, Chaptal et Dorian – sont désormais ouverts aux filles. Conséquence des investissements consentis par le Conseil régional, propriétaire des bâtiments des lycées. Lequel a ainsi réagi à l’interpellation du collectif « Ouvrons les portes » qui, il y a deux ans, s’était offusqué de cette situation et avait saisi la Halde.
En décembre dernier, la Haute autorité avait estimé discriminatoire l’absence de mixité dans ces internats. Une double discrimination, à l’accès à la formation professionnelle et à l’accès à des biens et services. La Halde dénonçait notamment une « absence de volonté » des chefs d’établissement.
Vases communicants
Pour le collectif « Ouvrons les portes », la situation témoignait entre autres d’une « peur de la sexualité » de la part de certains proviseurs. Ce n’est pas ce qui inquiétait Jacqueline Marguin-Durand : « Il ne faut pas se voiler la face. Des filles montaient déjà dans les chambres des garçons… pour travailler, bien sûr », lance la proviseure. Si la mixité à Jean-Baptiste-Say a du attendre 2011, explique-t-elle, c’est à cause de l’exiguïté des locaux.
Conjuguer mixité des sexes et mixité sociale
Patronne d’un établissement où les CPGE sont à vocation scientifique, Jacqueline Marguin-Durand avertit : « la mixité est un combat » qui ne se cantonne pas aux internats. A Jean-Baptiste-Say, les classes préparatoires aux grandes écoles d’ingénieurs sont aux trois-quarts masculines. « Il faut développer l’ambition des filles dans les carrières scientifiques, de manière à ce qu’elles ne s’autocensurent pas », insiste Jacqueline Marguin-Durand. Et la proviseure de pointer du doigt un autre défi : celui de la mixité sociale, qui doit aller de pair avec la mixité des sexes. Dans son lycée prestigieux, la proportion de boursiers ne cesse d’augmenter dans ces classes préparatoires. Mais « accueillir des boursières, c’est encore plus difficile dans les milieux populaires. Les familles y investissent beaucoup dans l’avenir des garçons, moins dans celui des filles… »
(1) Ce dont se réjouit aussi « Ouvrons les portes », avec un bémol : le foyer s’appelle désormais « Jean-Zay », ce qui inspire cette remarque au collectif : « il est presque regrettable que la grammaire française, qui impose à la pluralité un masculin, exige un changement de nom du Foyer des Lycéennes, qui plus est pour porter un nom d’homme… »