Depuis leur victoire en Coupe du monde, les Espagnoles entraînent le combat contre les violences sexistes et le mépris des femmes. Quand un entraîneur français dit « Seul le football m’intéresse, le reste me fatigue », Mélissa Plaza rétorque : « ce « reste » c’est ce qui brise nos vies, nos carrières, éclipse nos succès, nos talents »…
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« Nous ne sommes pas seulement des footballeuses » a déclaré Alexia Putellas lors de la conférence de presse donnée jeudi 21 septembre à Göteborg, en Suède, quelques jours avant leur rencontre en Ligue des Nations contre le pays hôte. A cette occasion, la double Ballon d’Or (lire : Alexia Putellas : Ballon d’or pour la 2e fois) a expliqué, aux côtés de sa coéquipière Irene Paredes, la situation dans laquelle étaient plongées les joueuses depuis le « baiser forcé » de Luis Rubiales, désormais ex-président de la Fédération, sur la joueuse Jenni Hermoso.
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Cela faisait un moment que les choses n’allaient pas et avant le Mondial, 15 joueuses avaient déjà fait le choix de se retirer de la sélection espagnole pour afficher leur désaccord et avaient précisé qu’elles ne reviendraient pas tant que des changements n’auraient pas eu lieu au sein de la Fédération Espagnole de Football. Après leur victoire en coupe du monde et suite à l’agression par Luis Rubiales, les joueuses ont profité du fait que le monde entier avait les yeux rivés sur elles pour exiger des changements importants et significatifs au sein même de leur Fédération.
Dans un communiqué en date du 15 septembre, elles reviennent tout d’abord sur l’agression et demandent que soit appliquée une tolérance zéro : « pour notre camarade, pour nous et pour toutes les femmes ». Elles ajoutent être convaincues que « des changements indispensables doivent être faits au niveau des postes de direction de la Fédération (RFEF) et en particulier sur ceux de la section du football féminin. Toutes ces personnes doivent être éloignées du système qui devrait nous protéger et qui malheureusement s’éloigne d’une société avancée.» Elles listent ensuite leurs revendications : restructuration de l’organigramme du football féminin, restructuration du cabinet de la présidence et du secrétariat général, démission du président de la Fédération, restructuration du service communication et marketing, restructuration de la direction d’intégrité. Elles poursuivent leur communiqué en précisant que les changements qui ont eu lieu (destitution de leur entraîneur Jorge Vilda et démission de Luis Rubiales) ne sont pas suffisants « pour que les joueuses se sentent en lieu sûr, où les femmes sont respectées, où on mise sur le football féminin et où nous pouvons donner le meilleur de nous-mêmes ». 39 joueuses ont signé ce texte en concluant qu’elles étaient des joueuses professionnelles et que revêtir le maillot de la sélection était une grande fierté : « Pour cette raison, nous croyons que le moment est venu de lutter pour montrer que ces situations et pratiques n’ont pas lieu d’être dans ni notre football, ni au sein de notre société, et que la structure actuelle nécessite des changements et nous le faisons aujourd’hui pour que les générations futures puissent avoir un football égalitaire et à la hauteur de ce que nous méritons toutes et tous.»
Une nouvelle avancée est également à noter dans le football espagnol. Désormais, les équipes masculines et féminines seront regroupées sous la même entité « Sélection espagnole de football ». Il n’existera donc plus de sous-catégorie football féminin. Une décision qui peut sembler futile à certains mais qui est très importante puisqu’elle met enfin sur un pied d’égalité les deux sélections.
Après avoir fait planer l’incertitude sur leur participation au premier match de la Ligue des Nations, ce vendredi 22 septembre, les joueuses répondront finalement présentes et disputeront leur premier match avec leur étoile de championnes du monde brodée sur le maillot. Une étoile qu’elles n’ont célébrée que très peu de temps puisqu’elles ont dépensé toute leur énergie de ces dernières semaines à réclamer des changements pour être enfin traitées comme des sportives de haut niveau. C’est ainsi qu’Alexia Putellas a déclaré « Nous sommes des footballeuses mais nous avons dû nous mettre en tête que nous ne sommes pas que des footballeuses ». Et en Espagne ou à l’étranger, les réactions de soutien sont assez unanimes. On retiendra notamment la déclaration de l’ancien international espagnol Xabi Alonso : « Mes filles se souviendront plus tard pour quoi ce sont battues ces femmes […] Ce pour quoi elles se battent est bon non seulement pour le football mais aussi pour la société ».
Mais à côté de déclarations de soutien aussi importantes que celle-ci, d’autres sont plutôt décevantes, comme en France où, interrogé en conférence de presse à Valenciennes, sur ce qu’il se passait en Espagne, le sélectionneur Hervé Renard a déclaré : « Seul le football m’intéresse, le reste me fatigue ». Et ce « reste » ne passe clairement pas… Il n’en faut d’ailleurs pas plus pour que cette déclaration fasse bondir plus d’une personne sur les réseaux sociaux. Mélissa Plaza, ex joueuse internationale de football, désormais doctoresse en psychosociologie du sport, et qui n’en est pas à son premier « coup de gueule » après le sélectionneur, a répondu sur son compte X (ex-Twitter) que « ce « reste » c’est ce qui brise nos vies, nos carrières, éclipse nos succès, nos talents ».
Quand on sait que le développement du football féminin français est plutôt dans une phase de stagnation depuis plusieurs années, il serait intéressant et judicieux de prendre exemple sur ces Espagnoles plutôt que de juger futile leur combat. Grâce à leur ténacité et à leur professionnalisme, ces femmes ont su passer de l’ombre à la lumière en à peine quelques années et arborent désormais une belle étoile sur leur maillot. La Fédération Française de Football ferait peut-être bien de s’en inspirer…
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