
Nicole Belloubet et Marlène Schiappa le 28 février 2018
Le projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles devait faire en sorte qu’un enfant ne puisse plus être considéré comme consentant. Ce ne sera pas tout à fait le cas.
Faut-il fixer le seuil à 13 ou 15 ans ? La question a agité le gouvernement pendant des mois… et il s’avère qu’elle n’était pas pertinente. La présomption de non-consentement pour les mineurs, qui a été la mesure la plus commentée en amont du projet de loi sur les violences sexistes et sexuelles présenté en Conseil de ministres mercredi 21 mars, n’apparaît finalement pas dans le texte.
Il s’agissait de fixer un seuil d’âge – le gouvernement avait finalement retenu 15 ans – en dessous duquel tout enfant serait d’office considéré comme victime de viol en cas d’acte sexuel. Une réponse à deux affaires judiciaires ayant fait scandale : dans la première, le parquet avait décidé de poursuivre pour « atteinte sexuelle », et non pour viol, un homme de 28 ans qui avait eu des relations sexuelles avec une fille de 11 ans. Dans la seconde, le jury d’une cour d’Assises a acquitté un homme jugé pour le viol d’une enfant de 11 ans, considérant qu’il n’y avait pas eu menace, contrainte, surprise ou violence.
C’est suite à ces affaires que le gouvernement avait annoncé, en octobre, sa décision de légiférer, pour qu’un·e enfant ne puisse plus en aucune façon être considéré·e comme consentant·e. Le projet de loi initial prévoyait qu’un acte sexuel commis par un majeur sur un mineur de quinze ans, soit qualifié d’agression sexuelle – ou, en cas de pénétration, de viol – lorsque l’auteur « connaissait ou ne pouvait ignorer l’âge de la victime »
Mais le texte ne contient finalement pas cette mesure. La raison : le Conseil d’État a relevé des « difficultés constitutionnelles qui paraissent particulièrement sérieuses ».
La version finale du projet de loi, suivant à la lettre les propositions du Conseil d’État, se contente alors de préciser la notion de viol dans le code pénal. Il indique que, pour les mineurs de moins de quinze ans, la contrainte et la surprise, deux des éléments qui caractérisent un viol, « peuvent résulter de l’abus d’ignorance de la victime ne disposant pas de la maturité ou du discernement nécessaire pour consentir à cet acte ». Les magistrats conserveront ainsi une grande latitude pour apprécier les faits.
Cela « constitue une réelle avancée », assure Marlène Schiappa : « Il n’y aura ainsi plus d’ambigüité sur les capacités de discernement ou le consentement du mineur à un acte sexuel. » Mais selon les syndicats de magistrats, qui s’étaient déclarés opposés à l’idée d’une présomption de non-consentement, cette approche ne changera pas grand chose par rapport à la jurisprudence.
Dans les pas du Sénat
En somme, le texte instaure une « présomption de contrainte » plutôt qu’une « présomption de non consentement ». C’est ce qu’avait proposé un groupe de travail du Sénat début février.
Voir : Crimes sexuels sur mineurs : “présomption de contrainte” contre “présomption de non-consentement”
Pour accompagner cette approche différente, le texte prévoit par ailleurs de doubler la peine pour atteinte sexuelle commis par un adulte à l’encontre d’un mineur de quinze ans, lorsqu’il y a pénétration. Elle passe de cinq ans à dix ans.
Reste que le débat promet de se poursuivre lors de l’examen du projet de loi au Parlement.
Les autres mesures du projet de loi correspondent, elles, à ce qui avait déjà été annoncé :
– Il prévoit de porter à 30 ans après la majorité, contre 20 actuellement, le délai de prescription des violences sexuelles faites aux mineur·e·s. Cette proposition avait été relancée début 2017 avec le rapport Flament-Calmettes, commandé sous le précédent quinquennat.
– Il crée une infraction d’outrage sexiste, pour définir un interdit face au harcèlement dit « de rue ».
– Dernier volet, annoncé plus récemment : la définition du harcèlement en ligne sera élargie, pour réprimer les phénomènes de meute : « les cas où une personne est victime d’une attaque coordonnée de plusieurs internautes, même lorsque chacune des personnes n’a pas agi de façon répétée ».