Depuis Metoo, des « coordinateur.rices d’intimité » préparent et accompagnent comédiennes et comédiens durant les scènes de sexe et de nudité. Le documentaire « Sex is comedy », des réalisatrices Iris Brey et Edith Chapin montre comment évolue le cinéma.
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Comment jouer les scènes intimes ? Comment filmer les corps ? Comment le faire dans le respect des limites des acteur.ices ?… De nouveaux professionel.les travaillent avec les réalisateurs et les chorégraphes pour aider au bon déroulement des scènes intimes : des coordinateur.rice.s d’intimité. Comment interviennent-ils sur le tournage d’un film ou d’une série ?
Limiter les abus
Dans « Sex is comedy », visible sur France.tv depuis le 24 novembre, la réalisatrice Iris Brey documente le tournage de sa série « Split », sortie le même jour, afin de montrer comment la coordinatrice d’intimé Paloma Garcia Martens est intervenue. Réunions préalables avec la réalisatrice, concertation avec les acteurs et actrices, briefing des équipes et confection de costumes spécifiques. Les scènes de sexes sont ensuite chorégraphiées, élaborées avec les acteurs et actrices et adaptées selon leurs limites. C’est l’ensemble du processus de création d’un film qui est concerné par la question de la coordination d’intimité. Iris Brey l’observe : « C’est un vrai investissement. Cela demande beaucoup plus de temps que ce que j’avais imaginé ».
Mais les bénéfices sont réels ! De nombreuses actrices déclarent avoir vécu des expériences traumatisantes sur des tournages et ne pas s’être senties en droit de s’en plaindre. « Ça m’est arrivé sur plusieurs tournages. On m’a demandé de montrer mes seins alors que c’était des scènes qui n’existaient même pas encore au scénario » témoigne l’actrice Suzy Bemba , cofondatrice de l’Association des acteur·ices (A.D.A). Ariane Labed, cofondatrice de l’A.D.A, raconte avoir supporté l’érection de son collègue durant une scène intime, sous les yeux de l’ensemble de l’équipe de tournage. « Tout le monde l’a vu, personne n’a rien dit et je suis censée être ok avec ça » rapporte t-elle. Grâce à la coordination d’intimité, qui place la notion de consentement au cœur de sa pratique, les abus sont limités : « Ça rend tout le processus beaucoup plus joyeux , créatif et riche » ajoute l’actrice. Pour Iris Brey, cela impacte même le jeu des acteur.ice.s qu’elle dirige : « répéter autant ces scènes-là et la chorégraphie des corps permettait aux comédiennes de pouvoir jouer sans être dans le stress de savoir comment je suis en train de les filmer ».
Une profession (encore) en mal de reconnaissance
La pratique est née aux alentours de 2008. Mais c’est seulement après l’affaire Weinstein et le début du mouvement #Metoo que la profession connaît une véritable reconnaissance. En France, la coordination d’intimité manque encore de visibilité, contrairement en l’Angleterre et aux États Unis où elle est bien plus démocratisée. À ce jour, on ne compte que deux coordinatrices d’intimité françaises : Monia Aït El Hadj et Paloma Garcia Martens. L’A.D.A a réclamé auprès du Centre National du Cinéma et de l’image animée la création d’une formation spécifique au metier de coordinateur.rice d’intimité. De l’autre côté de l’Atlantique, ils sont entre 60 et 80 à exercer ce métier. Suite à l’accord trouvé avec les grands studios d’Hollywood le 8 novembre dernier, qui met fin à la longue grève des acteur.ices américains, leur présence est dorénavant obligatoire sur les tournages.
Avec ce documentaire riche, engagé et sensible, Iris Brey met fin à l’invisibilisation de cette pratique, indispensable au cinéma selon elle. La réalisatrice interpelle alors ses spectateurs et spectatrices : « Tous ces choix de découpage, de comment on filme les corps, de ce qu’ils racontent, de ce qui sort d’eux, raconte une vision du monde ».