Le premier film de Lise Akoka et Romane Gueret, portraits d’ados cabossés par la vie, acteurs d’un film tourné dans le Nord, est une découverte à ne pas manquer.

Certains films restent, et sans aucun doute « Les pires » fait partie de ceux-là. Une première œuvre qui nous fait découvrir de jeunes comédiens non professionnels du côté de Boulogne sur mer. Nous sommes en 2022, le cinéma regorge de films sociaux réalisés dans le Nord de la France ou la Belgique, des frères Dardenne à Bruno Dumont. Le talent « des Pires » est de faire un pas de côté en choisissant de raconter comment un tournage de long métrage bouleverse la vie d’un lieu et de ses habitants. Après un casting sauvage à la cité Picasso, Lily, Ryan et Jessy sont choisis pour jouer dans « A pisser contre le vent » premier film d’un réalisateur belge engagé et cinquantenaire, venu du documentaire. Ils vont apprendre que le cinéma demande du jeu, de la ténacité, de l’implication. Et à leur contact, les membres de l’équipe vont aussi apprendre à respecter ces gamins plutôt que de les utiliser, mesurant leur responsabilité. Mais pourquoi avoir choisi les pires gosses de notre quartier ? se demandent les habitants qui aimeraient que leur cité soit davantage mise en valeur. Parce qu’en chacun d’eux il y a une personnalité, un espoir, une pépite humaine que le cinéma peut mettre en valeur, ce que nous découvrons en une heure et demi pleine de vie, de couleurs, d’énergie et d’émotion.
« Les pires » de Lise Akoka et Romane Gueret, France, 1h39, avec Timéo Mahaut, Loïc Pech, Mélina Vanderplancke, Mallory Wanecque. Produit par les Films Velvet, distribué par Pyramide, en salle le 7 décembre 2022. Grand Prix Un Certain regard au Festival de Cannes, Meilleur film à Angoulême.
Qui sont les réalisatrices ?
Lise Akoka et Romane Gueret se sont rencontrées sur des tournages où elles travaillaient comme responsables de casting et coachs d’enfants. Leur premier court métrage « Chasse Royale », racontant le casting d’une jeune fille dans une cité du Nord, s’inspirait de leurs expériences. Son héroïne Angelique Gernez joue d’ailleurs dans « Les pires ». Les deux jeunes femmes ont également réalisé ensemble la web série « Tu préfères » (2020) encore visible sur Arte. Pour leur premier long métrage, elles s’amusent à partir des poncifs du cinéma d’auteur social réaliste pour mieux les dépasser : découverte de la passion amoureuse, violence familiale et sociale (Lily enceinte à 15 ans de son petit ami Jessy qui est en prison), alcoolisme dans les familles etc… Dans le dossier de presse elles parlent d’une même voix : « Notre titre raconte cela : les pires peuvent devenir les élus, les héros, et nous l’entendons comme un hommage à tous ces enfants cabossés par l’existence. » Avant même sa sortie, le film est un succès dans les festivals, notamment à Cannes, auprès des jeunes (il cumule les prix des lycéens), mais aussi des critiques conquis. Preuve s’il en faut du talent de ce duo de jeunes réalisatrices. « Selon nous, le film part d’un bloc brut, presque documentaire en sensation, puis ouvre peu à peu davantage le champ à la fiction, comme s’il allait de la vie au cinéma. Nous voulions que, par son rythme et son mouvement, le film gagne progressivement en émotion, en ampleur, et transcende le cadre de cette histoire de tournage pour toucher, on l’espère, à l’universel. »