
Pascale Crozon devant la commission des Lois de l’Assemblée nationale le 16 novembre 2016
En théorie, la loi de 2012 sur le harcèlement sexuel est efficace. En pratique, les réponses judiciaires restent insuffisantes.
La loi du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel était la toute première loi adoptée sous l’actuel quinquennat1. Les parlementaires avaient dû s’empresser de combler le vide juridique après l’abrogation du délit de harcèlement sexuel par le Conseil constitutionnel.
Quatre ans après, une mission d’information de l’Assemblée nationale vient de boucler son évaluation de la loi. Et c’est un « constat en demi-teinte » que dressait la députée PS Pascale Crozon, rapporteure avec son confrère LR Guy Geoffroy, mercredi 16 novembre devant la commission des Lois de l’Assemblée nationale.
Seules 6,5% des procédures aboutissent à une condamnation
Principal élément positif : « Le premier objectif de la loi – le rétablissement du délit de harcèlement sexuel – a été pleinement atteint ». Selon les associations auditionnées, « la loi est suffisamment claire, et assez pertinente pour couvrir l’ensemble des situations rencontrées », conclut Pascale Crozon. Autre point positif : « Une véritable prise de conscience du phénomène et une libération de la parole ». Et la députée de citer les récentes initiatives d’avocates ou de collaboratrices parlementaires.
Pourtant, « ces évolutions ne se traduisent pas comptablement en matière de répression ». Selon la Chancellerie, environ un millier de procédures sont engagés par an, pour une soixantaine de condamnations, soit un taux de 6,5%. « Nous sommes ici face aux mêmes ordres de grandeur qu’avant 2012 », déplore Pascale Crozon.
Principale explication apportée par les associations comme par les magistrats : la difficulté qui représente la charge de la preuve reposant sur le/la plaignant.e. Pascale Crozon évoque en outre la « faible sensibilisation des policiers et magistrats, dont le regard sur le harcèlement n’a pas évolué de façon aussi nette qu’en matière de violences conjugales ».
Banalisation
Devant la justice, les victimes de harcèlement sexuel rencontrent donc les « mêmes difficultés que celles observées il y a 4 ans : une lenteur des procédures et la nécessité de disposer de plusieurs plaintes, émanant de plusieurs victimes, avant qu’elles soient réellement prises en compte ». Sans compter un « phénomène de déclassement », déjà observé avant 2012 et toujours présent : des procédures engagées pour harcèlement sexuel relèvent en réalité de l’agression sexuelle, voire de tentative de viol.
Le rapport regrette également le peu de plans de prévention adoptés à ce jour dans les entreprises. Pascale Crozon épingle à ce sujet le MEDEF, dont une représentante, lors de son audition, s’est montrée très réticente à l’égard de la loi, en opposant la « vision latine de la relation hommes/femmes » et « un monde où on ne pourrait plus prendre l’ascenseur sans une tierce personne ». De quoi « soulever un problème de banalisation des faits de harcèlement », déplore la rapporteure. « Notre enjeu reste de faire évoluer les mentalités pour que la frontière entre ce qui est répréhensible et ce qui ne l’est pas s’impose plus clairement », conclut Pascale Crozon.
1/ Selon la loi, « le harcèlement sexuel est le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante. » Et « est assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d’user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers. »
Des faits passibles de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende. En cas de circonstance aggravante, ces peines sont portées à trois ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende.