Une jeune femme de 23 ans, sa petite fille dans les bras, un centre d’accueil d’urgence parisien avant l’an 2000 : « Stardust » chronique l’extrême précarité de certaines mères isolées, une situation malheureusement toujours autant d’actualité.
Léonora Miano est née à Douala (Cameroun) en 1973 elle a écrit une vingtaine d’ouvrages : « Contours du jour qui vient » a reçu le Goncourt des lycéens en 2006 puis en 2013 « La saison de l’ombre » a été récompensé du prix Fémina et du grand prix du roman métis. Je découvre – bien tardivement je l’avoue – cette autrice prolixe, avec « Stardust », paru cette rentrée chez Grasset.
C’est son premier roman, qui revient sur sa jeunesse en France, et qu’elle a commencé à écrire il y a plus de vingt ans. Si ce livre ne parait qu’aujourd’hui, c’est qu’il revient sur une période sombre de la vie de l’autrice : jeune mère de 23 ans, sans domicile ni titre de séjour, Louise (dans le roman) est recueillie avec sa petite fille Bliss à Crimée, structure d’hébergement d’urgence du 19e arrondissement de Paris.
Dans ce centre d’accueil d’urgence les séjours peuvent pourtant durer plusieurs mois faute de place ailleurs, dans des conditions qui ressemblent à l’époque davantage à celles d’une prison qu’à celles d’un refuge.
Chronique de survie de quelques mois, « Stardust » est écrit avec sobriété et distance, à l’image de Léonora Miano qui préfère observer à l’écart et se mêler le moins possible de la vie du centre. Toujours son sac à l’épaule et sa fille sur la hanche, pour qu’on ne lui vole ni l’un ni l’autre et pour être prête à repartir.
Louise est à la fois actrice et observatrice de ce refuge de cabossées : entre le quai de l’Oise et l’avenue de Flandre cohabitent Maya qui passe ses nuits dehors et dort le jour, Véronique ex danseuse et mannequin qu’une blessure a arrêtée dans son envol, ou encore la colocataire de chambre de Louise, magnifique femme coquette qui plonge dans la religion et le silence. « Sans le savoir, elles instruisent Louise mieux que sa propre expérience ne le ferait sur la véritable nature de l’exclusion : solitude, abandon, violence, amours mal placés… »
Ce qui lui a permis de tenir ? Son orgueil, mais aussi et surtout sa fille. Pourquoi publier ce récit des années après ? Elle s’en ouvre dans la préface : « Mon souhait était surtout (…) de me libérer des histoires, des visages qui, plusieurs années après, continueraient de me hanter. » Le temps lui a donné de la distance, elle a changé les prénoms des femmes décrites sans que pour autant la vérité ne soit édulcorée : elle dénonce les mauvaises conditions d’accueil, la spirale de l’exclusion, la détresse, le manque de solidarité entre femmes. Le Centre Crimée parisien existe toujours mais il a été entièrement rénové il y a vingt ans, alors même que Léonora-Louise était partie vers une autre structure lui permettant de reprendre ses études de lettres. Et de devenir aujourd’hui une grande voix française de la littérature « afropéenne », comme elle se définit elle-même.
Stardust de Leonora Miano, Grasset, Parution le 31 août.