En 2022, 109 hommes ont tué leur compagne ou ex en France. 109 femmes sont mortes. Mais derrière ce chiffre déjà bien trop élevé, se cache une autre réalité, celle des suicides ou tentatives de suicides forcés. Des chiffres impressionnants mais ignorés.
Tous les ans, le site du gouvernement Arrêtons les violences publie la lettre d’information de l’Observatoire national des violences faites aux femmes avec les chiffres de l’année précédente.
Pour 2021, le rapport indique que 122 femmes ont été tuées par leur partenaire ou ex-partenaire, soit une femme tous les 3 jours. Mais ce qu’il ne précise pas tout de suite c’est le nombre de victimes ayant tenté de se suicider ou s’étant suicidé suite au harcèlement de leur conjoint ou ex en 2021. Ce chiffre s’élève à 684 et a été révélé par la journaliste Agnès Leclair dans son récent article pour Le Figaro « Certaines femmes sont poussées à bout »: les suicides, la face cachée des violences conjugales.
Aux 122 victimes de féminicides de l’année 2021 peuvent donc s’ajouter bien d’autres. Mais combien exactement ? Le chiffre de 684 victimes est flou puisqu’il ne fait pas la distinction entre suicides et tentatives. Mais il n’empêche que s’il était pris en compte, il augmenterait significativement le nombre de féminicides par conjoint ou ex.
Pourtant, la loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales condamne « le fait de harceler son conjoint, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale ». La peine pouvant aller de trois ans de prison et 45.000 € d’amende à cinq ans et 75.000 € d’amende est également valable si « l’infraction est commise par un ancien conjoint ou un ancien concubin de la victime, ou un ancien partenaire lié à cette dernière par un pacte civil de solidarité ».
Cette loi, venue modifier l’article 222-33-2-1 du Code pénal, précise même que « les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 150 000 € d’amende lorsque le harcèlement a conduit la victime à se suicider ou à tenter de se suicider. »
Fondatrice de l’association « Femme et Libre », l’avocate pénaliste Yael Mellul se bat depuis des années pour la reconnaissance du suicide forcé. C’est d’ailleurs elle qui est à l’origine de l’introduction de cette loi dans le Code pénal français. (lire : GRENELLE DES VIOLENCES : TOUT COMMENCE PAR LES VIOLENCES PSYCHOLOGIQUES)
Même si cette loi a le mérite d’exister, Yael Mellul en déplore sa non application : « le gouvernement s’est totalement désintéressé de ce sujet » affirme-t-elle. Et cette absence de condamnations s’explique par l’absence de circulaire, de formation spécifique et de campagne d’information émanant du Ministère de la Justice.
Bien que relativement confidentielle, la publication du nombre de suicides forcés par l’Observatoire national des violences faites aux femmes permettra peut-être de remettre ce sujet au coeur de l’actualité et d’enfin faire appliquer la loi. Et comme le rappelle très justement Yael Mellul, « nous devrions être un exemple à suivre puisque nous sommes le seul état en Europe à reconnaître le suicide forcé ».