Plusieurs participantes de l’émission « Les Anges» appellent au boycott de l’émission qui cautionne le harcèlement, source de buzz.
Depuis le jeudi 15 avril, le hashtag #BoycottLesAnges a émergé sur les réseaux sociaux à la suite d’un live orchestré par la candidate de l’émission de téléréalité « Les Anges», Angèle Salentino, sur son compte Instagram. Avec d’autres candidates elle dénonce le harcèlement dont elles sont l’objet de la part de certains participants, encouragés par les producteurs de l’émission.
La société de production, « La Grosse Equipe » qui est à l’origine des émissions à succès de la chaîne NRJ 12 est mise en cause dans l’appel au boycott : « il faut que vous compreniez que cette production favorise l’acharnement. Tant que vous regarderez Les Anges, une personne va subir un harcèlement (…) Il faut que ça s’arrête. Stop ! Il ne faut plus que ça arrive. (…). Si vous voulez faire comprendre aux productions, à la chaîne, que ce n’est pas ce que vous souhaitez, il faut que leurs audiences chutent. N’attendez pas mon départ ! », a-t-elle insisté, demandant aux téléspectateurs de cesser de regarder l’émission.
Plusieurs candidates, de toutes saisons confondues se sont jointes à elles pour corroborer les accusations. Dénonçant les « acharnements» systématiques, Rawell Saidi, une candidate de la dernière saison explique : « c’est pour ça que j’ai voulu arrêter les tournages. Je ne faisais que des dépressions, je n’étais pas bien dans ma vie, parce qu’ils m’ont mise à bout. (…) Ils sont responsables de nous et ils sont censés être bienveillants. Et ce n’est pas ce qu’ils font »
Clashs, buzz et harcèlement
Plus les témoignages font surface, plus les accusations sont graves. Angèle Salentino dévoile des propos tenus par la production, qui favorise un climat de culture du viol: « Bon bah les filles, franchement les mecs ils en peuvent plus. Ils sont à l’hôtel, ils vont exploser, vous êtes à deux doigts de vous prendre une giclée de sperme au visage. »
La téléréalité, c’est le clash. Pour faire monter l’audience, il faut qu’il y ait des disputes et des histoires. Le problème est que les femmes se retrouvent très souvent dans des situations humiliantes ou de victimes de harcèlement sexuel, devenant des proies d’hommes potentiellement violents. Parmi les scènes qui banalisent la violence, en 2016, dans les Anges 8, un candidat harcèle une des jeunes femmes, qui est aujourd’hui en procès contre la boîte de production : « Tu vas voir ce que c’est un vrai bizutage, tu vas pleurer tous les jours de ta vie » (…) « Toute la journée ce sera ça tu vas voir, jusqu’à ce que tu partes de toi-même » dit cet homme qui est aujourd’hui accusé de violences volontaires par son ex-compagne. Il l’aurait frappée et blessée alors qu’elle était enceinte.
Ces images d’incitation au harcèlement et à la violence sont d’autant plus dangereuses qu’elles sont vues par des jeunes. En septembre 2017, NRJ 12 annonçait être le « leader TNT en ‘after-school’ sur les 15-24 ans ». Sur cette tranche d’âge, le harcèlement scolaire sévit encore largement : un rapport de l’éducation nationale précisait à la même époque que plus de 700 000 élèves en sont victimes. Elise Goldfarb, figure médiatique qui a notamment lancé Fraiches et Coming Out avec Julia Layani a posté un message sans concession sur Instagram : « NRJ12 la chaîne a une responsabilité colossale sur le sujet sexisme/harcèlement/violences faites aux femmes/racisme/homophobie aujourd’hui en France. Ils diffusent des contenus malveillants depuis des années, mettent dans la tête des jeunes que c’est OK d’harceler… »
Argent contre harcèlement
Comment les diffuseurs ont-ils réagi à cette opération #BoycottLesAnges ? Très maladroitement manifestement. Suite aux révélations des candidates, un message publié par le compte officiel d’NRJ 12 disait : « Moi je ne comprends pas. Vous avez pris l’argent et maintenant vous criez au scandale ? » Quelques heures plus tard, la chaîne a publié un communiqué pour se dédouaner affirmant avoir été piratée : « La chaîne a appris avec stupeur qu’un commentaire malveillant avait été publié pendant un live. NRJ 12 ne cautionne nullement les propos qui ont été tenus dans ce commentaire. Il s’agit de toute évidence d’un piratage. » a-t-elle écrit. L’argument argent contre clash est pourtant celui des chaînes concernées. Les candidat.es sont liés par un contrat et doivent accepter ces scènes qui font du buzz. Et le boycott de quelques-unes risque d’avoir du mal à contrer ces buzz lucratifs pour les chaînes.
Comment limiter la casse ? Puisque les participant.es à ces émissions ont un contrat de travail, le droit du travail devrait s’appliquer, et en particulier les dispositions concernant le harcèlement.
Du côté du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), de nombreuses plaintes ont été déposées contre le sexisme et la violence machiste de ces émissions de téléréalité depuis des années. Seule menace du CSA pour empêcher ces programmes dégradants : les classer en catégorie 3, c’est-à-dire interdit aux moins de 12 ans et donc interdits de diffusion avant 22h. Ce qui ne dissuaderait pas grand monde de les regarder en décalé éventuellement. (lire : Téléréalité dégradante : le CSA avertit NRJ12, W9 et NT1).
Le Haut conseil à l’égalité, qui avait dénoncé ces émissions de téléréalité dans un rapport sur le sexisme en 2019 (Lire : 99% des Françaises savent qu’elles sont confrontées au sexisme ) maintient ses préconisations : « Faire signer à toutes les chaînes qui produisent des émissions de téléréalité une charte d’engagement à avoir des réponses de bon niveau au regard des indicateurs de la grille du CSA. » Le problème est qu’une charte n’engage que celui qui la signe…