Après que le tiktokeur Abrège frère a « abrégé » une femme victime d’une agression sexuelle, une créatrice de contenu retourne son concept et pointe du doigt les discours sexistes et misogynes sur internet.

Il fait le buzz sur TikTok. Il y a un an, le compte @Abrègefrère se fait connaître sur le réseau social Tiktok en résumant les vidéos jugées trop longues sur la plate-forme pour faire gagner du temps aux utilisateurs et utilisatrices. Aujourd’hui, il comptabilise 1,6 millions d’abonné.e.s. Depuis quelques jours, c’est une créatrice de contenu qui fait le buzz en renversant le concept d’Abrègefrère, qu’elle juge sexiste, et introduit « abrège sœur ».
Abréger les misogynes plutôt que les femmes victimes de violences
Tout est parti d’une vidéo. Le 6 mars, la tiktokeuse Lila Bonbon publie une vidéo de 9 minutes dans laquelle elle rapporte une agression sexuelle qu’elle aurait subie de la part d’un autre Tiktokeur. Quelques jours plus tard, Abrège frère résume le contenu de la vidéo : « Elle est allée dormir pendant une semaine à Paris chez un ami des réseaux qu’elle n’a jamais vu. Il s’est collé à elle tous les soirs. Un soir il a mis sa main sous son t-shirt ». Mais la vidéo d’Abrègefrère ne passe pas auprès des internautes qui sont nombreux à l’accuser de misogynie.
Il n’en fallait pas plus pour inspirer Isa, créatrice du compte @isa_la_reine sur Instagram, qui lance le #abrègesœur. Son concept ? Une parodie d’Abrègefrère, en ne ciblant que des vidéos tenant des discours misogynes, le plus souvent par des hommes.
Avec un humour incisif, le #abrègesœur dénonce l’hypocrisie et la misogynie de certains créateurs de contenus. Elle n’en loupe pas un : homme qui est contre les cours d’éducation sexuelle parce que c’est « une dérive woke », un prédicateur masculiniste qui pense que les hommes d’aujourd’hui sont des losers, la créatrice n’hésite pas à lui rappeler que lui aussi en est un, ou encore le youtubeur Norman qui se victimise après avoir été visé par une enquête judiciaire pour viol et corruption de mineurs, finalement classée sans suite, « mais ce n’est pas un menteur parce qu’il a versé une larme », résume la créatrice avec ironie et un sourire crispé. Une bonne piqûre de rappel face au déferlement misogyne sur internet.
8 victimes de cyberharcèlement sur 10 sont des femmes
Après la colère des internautes, Abrège frère supprime sa vidéo et s’excuse auprès de la tiktokeuse Lila Bonbon. Mais ce n’est pas la première fois que ses résumés sont pointés du doigt par les créatrices de contenu pour leur dimension misogyne. En février 2024, la tiktokeuse Chloé Gervais dénonçait déjà son contenu qui vise en majorité des vidéos de femmes et qui normalise « le fait de dire à des meufs qui font leur petite story time et leur tuto make-up de fermer leur bouche ». Après ce commentaire, Chloé Gervais est la cible d’une violente vague de cyberharcèlement. (Pour en savoir plus, lire : « Chloé Gervais critique Abrègefrère… ça ne passe pas chez les masculinistes« )
Sur internet, plus de huit victimes de cyberharcèlement sur dix sont des femmes. L’association DesCodeuses rappelait, à l’occasion du lancement d’une campagne de sensibilisation en janvier 2025, qu’« en France, 13,5 millions de courriers d’avertissement ont été envoyés contre le téléchargement illégal mais zéro contre le cyberharcèlement ».
Alors qu’une idéologie masculiniste viriliste et misogyne se diffuse massivement sur les réseaux sociaux, les créatrices de contenu se serrent les coudes et résistent, avec détermination et une bonne dose d’humour.
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