Aucune sportive ne figure dans le top 100 des athlètes les mieux payés en 2024. Une médiatisation moindre, un sous financement et des sponsoring moins importants. Le cercle vicieux, qui entretient l’écart de revenus entre sportifs et sportives, tourne toujours.

Zéro femme sur 100 athlètes. Chaque année, le média en ligne Sportico dévoile le top 100 des athlètes internationaux les mieux payés en 2024. Le footballeur Cristiano Ronaldo (260 M$), le basketteur américain Stephen Curry (153,8 M$), le boxeur anglais Tyson Fury (147 M$) ou encore Killian Mbappé (110 M$)… Voici quelques noms arrivés en tête du classement. Triste constat : aucune femme n’y figure. C’était déjà le cas en 2023.
Des écarts de revenus persistants
Les noms et les revenus exorbitants défilent. C’est seulement à la 125ème place que la première sportive apparaît : Coco Gauff. La joueuse de tennis américaine a cumulé 30,4 millions de dollars en 2024, faisant d’elle la sportive la mieux payée au monde, sans pour autant que cela lui permette de se hisser dans le top 100. Elle est la troisième femme à dépasser les 30 millions de dollars, après Naomi Osaka et Serena Williams présentes dans le top 100 en 2022. Jusqu’à présent, seulement quatre femmes, (les joueuses de tennis Serena Williams, Naomi Osaka, Maria Sharapova et Li Na) sont parvenues à entrer dans ce classement.
Plus de 229,6 millions de dollars séparent le sportif et la sportive les mieux payé.e.s en 2024. L’écart reste également important entre Coco Grauff et le joueur de football américain Daniel Jones, le 100ᵉ homme le mieux payé, qui comptabilise 37,5 millions de dollars (36 millions d’euros) généré en 2024, soit 7 millions de dollars de plus qu’elle.
Cet écart de revenus entre sportives et sportifs est encore plus flagrant lorsqu’on compare les revenus des dix premiers sportifs du top 100 et ceux du classement féminin. Additionnés, les salaires et primes des 10 premières sportives sont de 39,94 millions de dollars. Pour leurs confrères, cette somme culmine à 1,024 milliard. Une différence révoltante.
Le cercle vicieux des inégalités
C’est un cercle vicieux. Culturellement, le sport est une pratique, un loisir et un divertissement masculin. Rappelons quand même que les femmes n’ont pas pu participer aux Jeux Olympiques avant 1900 et elles n’étaient qu’une vingtaine contre 975 hommes. Un manque de représentation qui en dit long.
Profondément ancré, ce modèle impacte directement nos manières de « consommer » le sport. Ainsi, les taux d’audiences des matchs et compétitions de sport féminin restent bien en dessous des audiences de leur pendant masculin. Les diffuseurs sont alors moins enclins à investir et mettre en avant ces performances sur leurs chaînes. Résultat : le sport féminin demeure moins visible, le public ne se familiarise pas avec les sportives et les sponsors soutiennent moins leurs carrières. C’est le serpent du sexisme qui se mord la queue.
La Coupe du Monde de Football féminin de 2023 illustre la mécanique à l’œuvre. Elle se déroulait en Australie et en Nouvelle-Zélande et, à quelques semaines du début de la compétition, aucun diffuseur au Royaume-Uni, Allemagne, Espagne, Italie et France n’avait prévu de la diffuser. Les médias refusaient de payer des droits de diffusion qu’ils jugeaient élevés pour cet événement. (Lire : La Coupe du monde féminine de football invisible en France ?). Autre inégalité : le 30 décembre 2024, après avoir remporté les qualifications de l’épreuve de Garmish-Partenkirchen, la sauteuse à skis allemande Selina Freitag avait reçu des cadeaux publicitaires quand ses confrères masculins étaient récompensés par de l’argent. (Lire : T’es une championne, t’as du shampooing mais pas de prime ? Non mais allô !). Et ces inégalités se retrouvent dès le stade amateur. Pas plus tard qu’en mai 2024, le club de foot de l’Union sportive Orléans Loiret Football (USO) décidait de couper les financements d’équipes féminines pour consacrer tout son budget aux équipes masculines. Les filles étaient pourtant mieux classées dans leur catégorie que l’équipe masculine. (Lire : Encore des équipes féminines sacrifiées au profit des hommes)
À l’inverse, les revenus colossaux de certains sportifs proviennent de partenariats et de sponsoring, eux-mêmes générés grâce à leur importante médiatisation. Cette visibilité leur permet ensuite de négocier de gros salaires. C’est ainsi que Cristiano Ronaldo, en préretraite dans le club Al-Nassr du championnat saoudien, se hisse à la tête du classement : 260 millions de dollars, dont 215 millions de salaire et primes, 45 millions de partenariats. Mais le sport féminin compte aussi quelques superstars : Serena Williams, la gymnaste américaine Simone Biles, star des derniers JO, la footballeuse américaine Megan Rapinoe, sacrée meilleure joueuse et meilleure buteuse de la Coupe du monde féminine de football par la FIFA en 2019, ou encore la judokate française Clarisse Agbegnenou qui collectionne les victoires et médailles olympiques. Pourtant, bien qu’elles soient médiatisées, un tel niveau de revenus reste inatteignable.
Financer le sport féminin
Malgré un top 100 représentatif de ces inégalités persistantes, une lueur d’espoir commence à percer. Du côté des fédérations comme des diffuseurs, des financements commencent à être engagés pour promouvoir le sport féminin. Déjà, les Jeux de Paris 2024 étaient les premiers Jeux Olympiques paritaires de l’histoire. Une grande avancée pour un événement d’envergure mondiale.
Mais ça ne s’arrête pas là. En décembre 2024, la chaîne Canal+ a pour la première fois diffusé un match de saison régulière de l’Élite 1 Féminine de rugby. Par ailleurs, la BBC vient d’acheter les droits de la compétition féminine Women’s Super League de football avec Sky Sports et le championnat français de première division sera diffusé par Canal Plus pour moins de 2 millions d’euros par saison. Seront donc diffusés 118 matchs par saison, pour un montant de 65 millions de livres par an (77 millions d’euros) sur cinq ans, révèle le journal L’Humanité qui estime cet investissement 10 fois supérieur au montant des anciens droits.
En tennis, si l’égalité salariale était déjà garantie dans les quatre tournois du Grand Chelem, les tournois de catégorie Masters 500 et 1000 se sont engagés à combler les inégalités de revenus d’ici 2027. Côté basket, les droits télé devraient rapporter à la WNBA plus de 200 millions de dollars par an pour les dix prochaines années. Un progrès qui ne suffit pas à rattraper la somme versée à la NBA : 76 milliards sur onze ans. En golf, le vent tourne pour les femmes : le circuit féminin LPGA Tour alloue une dotation de 131 millions de dollars pour ses 33 tournois, ce qui représente une augmentation de 90 % par rapport à 2021.
Reste à savoir si cela suffira pour que des sportives se hissent dans le prochain classement des athlètes internationaux les mieux payés.
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