Un documentaire américain, très construit et argumenté, revient sur les luttes des femmes à Hollywood pour prendre leur place dans le cinéma. Son aspect historique compense son discours parfois trop politiquement correct.
L’image et la narration sont des armes que les Américains maîtrisent très bien : leurs films et séries inondent le monde entier. Avec une influence certaine sur les mentalités. Or leur cinéma a été long à bouger en termes de contenu des récits. Tout récemment «Scandale», portrait des femmes qui ont fait tomber le directeur de la chaîne Fox News pour harcèlement, a été rejoint la semaine dernière dans les salles par « La fantabuleuse histoire de Harley Quinn », superhéroïne de Gotham City qui explose tout avec humour et mauvaise foi. Deux exemples de la façon dont les studios hollywoodiens ont compris qu’il était dans leur intérêt commercial de surfer sur la vague féministe pour tous les publics.
Dans peu de salles ce 19 février, un documentaire produit par l’actrice Geena Davis (« Thelma et Louise ») illustre la façon dont les femmes prennent le pouvoir actuellement. Leur mobilisation a commencé il y a une bonne quinzaine d’années avec la création de l’institut Geena Davis en 2004. Son but : chiffrer la place des femmes dans les films pour enfants et adultes et prouver à quel point ils manquent de héros féminins auxquels les filles puissent s’identifier. Son Slogan : « if she can see it, she can be it » (si elle peut le voir, elle peut le devenir). L’outil de chiffrage, de plus en plus sophistiqué, est devenu le « geena davis inclusion quotient ». Ce comptage prouve et re-prouve chaque année le manque de femmes réalisatrices scénaristes dans le monde entier, les actrices plus souvent montrées déshabillées et victimes dans les films, leur disparition des écrans après 40 ans.
A l’initiative de ce documentaire, le réalisateur Tom Donahue ajoute un argument imparable : « les choses ne changeront que lorsque les hommes prendront position ». Son film, à la gloire de Geena Davis qui en est la productrice executive, enfonce parfois des portes ouvertes. Mais on y apprend tout de même beaucoup de choses.
La centaine de personnalités qui témoignent dans ce documentaire rappellent que le changement date de bien avant le scandale Weinstein. On partait de loin : si les tous débuts du cinéma à Hollywood étaient très féminins, dans toutes les strates professionnelles y compris les techniciennes, au fur et à mesure du succès croissant de ce nouvel art, les femmes ont été écartées, à l’exception des actrices. Dans les années 70, six réalisatrices de la DGA (syndicat des réalisateurs américains) ont intenté un procès aux studios en discrimination, prouvant qu’elles n’avaient pas de travail parce qu’elles étaient des femmes… Sans obtenir gain de cause. Le véritable tournant date de 2017 : le studio Warner confiait la réalisation de « Wonder Woman » à Patty Jenkins. C’était la première fois qu’un budget de plus de 100 millions de dollars était confié à une réalisatrice. Ses bénéfices (800 millions de dollars dans le monde) furent un des meilleurs arguments que comprenne l’industrie du cinéma américaine.
« Tout peut changer : et si les femmes comptaient à Hollywood ? » (Etats-Unis, 1h 37min) documentaire de Tom Donahue. Avec Geena Davis, Meryl Streep, Reeze Witherspoon, Chloë Grace Moretz, Nathalie Portman etc etc etc… En salle le 19 février 2020
Des chiffres récents Chaque année, le Centre pour l’étude des femmes à la télévision et au cinéma de l’Université de San Diego décortique les 100 films en tête du box-office américain pour déterminer la nature des protagonistes, c’est-à-dire les personnages à travers lesquels l’histoire est racontée. En 2019, 40% des quelque 2 300 protagonistes étaient des femmes, contre 31% en 2018, « plus haut niveau » depuis que cette étude a été lancée, en 2002. 43% des protagonistes étaient des hommes et le reste (17%) était constitué d’un ensemble d’acteurs. Autre point positif, en 2019 45% des protagonistes féminines sont apparues dans des films produits par les grands studios traditionnels, contre seulement 32% l’année précédente. |