Le 17 septembre dernier, les Dévalideuses bloquaient l’accès à la station de métro Invalides à Paris. Depuis 2019, l’association handi-féministe dénonce le système de domination validiste et sexiste. Rencontre avec Charlotte Puiseux, militante au sein de ce collectif engagé.

Qu’est-ce qui a motivé la création du collectif Les Dévalideuses ?
Lors de la marche féministe du 25 novembre 2018, on a constaté un manque d’affichage des revendications spécifiquement liées aux femmes handicapées. On le sait, elles sont les premières victimes des violences sexistes et sexuelles. Néanmoins, elles continuent d’être invisibilisées. Même dans le milieu féministe, nos problématiques passaient au second plan. Cette manifestation nous a décidées à lancer un appel sur les réseaux sociaux, ce qui a permis de rassembler plusieurs personnes handi-sexisées, dispersées aux quatre coins de l’hexagone, afin de créer Les Dévalideuses.
Au sein des Dévalideuses, vous appliquez d’ailleurs une politique de non mixité…
Absolument. On fonctionne en non mixité, c’est-à-dire qu’on n’accepte dans nos rang ni les personnes valides, ni les hommes cis. On souhaite créer un espace où les dominations validistes et sexistes sont le plus possible évacuées. C’est la meilleure solution pour faire entendre nos voix.
Avez-vous l’impression que le concept de « validisme » est encore trop peu connu du grand public en France ?
Complètement et c’est un gros problème… Notre mission principale chez Les Dévalideuses c’est d’expliquer que le validisme est un système de domination bien réel, qui hiérarchise les vies. Il y aurait deux catégories, avec les personnes valides et celles dites handicapées, l’une ayant plus de valeur que l’autre… Quand on creuse un peu le sujet, j’y ai notamment consacré ma thèse*, on se rend compte que ces deux catégories sont le résultat d’une construction sociale. Selon les lieux, les cultures, les époques, une personne va être plus ou moins désignée comme handicapée. J’insiste vraiment sur ça : les conditions de vie des personnes handicapées relèvent des choix politiques et non d’une situation naturelle. Pour combattre le validisme, il faut en avoir conscience. C’est la première étape.
Selon l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, les femmes en situation de handicap sont deux fois plus victimes de violences sexuelles (34%) que les femmes valides (19%)… En mars 2023, le gouvernement a annoncé une série de mesures pour lutter contre ces violences. Qu’en est-il à l’heure actuelle ?
Malgré les annonces du gouvernement, les moyens restent très minimes. Mais la situation est affolante. Des associations révèlent même que 90% des femmes autistes seraient victimes de violences sexuelles… En outre, les institutions spécialisées sont des cadres propices aux violences. Ce sont des structures fermées, dirigées en vase clos, par des personnes valides. On le répète depuis des années et pourtant il n’y a aucune remise en cause de ces institutions par le gouvernement…
Selon vous, quelles sont les solutions ?
Avec Les Dévalideuses, on s’attache à faire de la pédagogie auprès de celles et ceux qui en font la demande, que ce soit des professionnel.les de santé, des institutions (au sens étatique) ou des personnes amenées à côtoyer des femmes handi. Le but, on l’a dit : déconstruire tous les préjugés validistes. En outre, on aimerait pouvoir répondre davantage aux sollicitations individuelles. Malheureusement, Les Dévalideuses est un petit groupe et on n’en a pas toujours les moyens.
À moins d’un an des Jeux Olympiques et Paralympiques, la France se dit prête à accueillir tous les publics. Pourtant, 93% des transports en commun restent inaccessibles aux personnes handicapées…
On est encore très loin de l’accessibilité universelle dans les transports. Le 17 septembre, nous avons bloqué l’accès à la station de métro Invalides à Paris afin de dénoncer cette situation. On voulait faire comprendre aux passants que ce qui leur arrive sur le moment, de ne pas pouvoir prendre le métro, c’est notre quotidien. Certains nous ont soutenus et même rejoints. D’autres ont été moins réceptifs…
*Charlotte Puiseux est Docteure en philosophie. Son premier livre est sorti l’année dernière aux éditions de la Découvertes : « De chair et de fer, Vivre et lutter dans une société validiste ».