Trois femmes accusent le réalisateur espagnol Carlos Vermut de violences sexuelles. En Espagne, les réactions ne se font pas attendre. Face aux violences sexuelles, l’industrie du cinéma prend également position et soutient… les victimes.
Le 26 février dernier, le journal espagnol El País publie une enquête dans laquelle trois femmes accusent le réalisateur Carlos Vermut de viol et d’agression sexuelle. Toutes trois viennent du monde du cinéma (une étudiante, une travailleuse du secteur culturel et une employée de sa maison de production). Selon leurs témoignages, Carlos Vermut aurait profité de son statut pour avoir des relations sexuelles très violentes et non consenties avec elles. Aucune d’elle n’a encore porté plainte de peur de perdre son emploi.
Le réalisateur de 44 ans réfute ces accusations et assure que ces rapports étaient consentis. Il reconnaît cependant aimer le sexe violent. Assurant que le consentement est quelque chose de très important pour lui, il affirme pourtant à la rédaction de El País : « Imaginez que je rentre chez moi avec quelqu’un et que nous sommes en train de discuter sur le lit ou sur le canapé. Je tiens pour acquis qu’elle a l’intention d’avoir un rapport sexuel.» Ajoutant que s’il lui touche la poitrine et que cette personne lui demande d’arrêter, il n’irait pas plus loin.
Des soutiens unanimes
Dévoilées quelques heures avant la cérémonie des prix Feroz, ces accusations ont été au centre des discussions sur le tapis rouge. Les discours étaient relativement unanimes. Acteurs, actrices, cinéastes, tous et toutes ont témoigné leur total soutien aux victimes et affirmé leur condamnation de telles violences au sein de l’industrie cinématographique et de la société.
Aitana Sánchez-Gijón (actrice) : « L’information vient juste de sortir, nous n’avons pas encore toutes les informations. Mais soutien total à ces femmes qui ont le courage de le dénoncer »
Raúl Tejón (acteur) : « La première chose que nous avons à faire est d’être avec les victimes, les soutenir et laisser la justice faire son travail »
Laura Galán (actrice) : « Tout mon soutien à ces trois femmes qui ont brisé le silence et qui grâce à leur voix contribuent à ce que cela ne se reproduise plus »
María Guerra (présidente de l’Association des Informateurs Cinématographiques d’Espagne) lors du discours inaugural de la cérémonie : « Il faut dénoncer, nous serons avec vous […] Nous sommes en 2024 et le hashtag est #SeAcabó »
Quelques réactions…
Du côté des politiques, même soutien. Yolanda Díaz, vice-présidente du gouvernement espagnol et ministre du travail a exprimé tout son soutien. Elle a même répété de nombreuses fois «Se acabó» (trad. C’est fini). Deux mots qui ont fait le tour du monde cet été grâce aux footballeuses espagnoles qui ont pris la parole pour dénoncer ces violences qui n’étaient plus acceptables. Le ministre de la culture, Ernest Urtasun, a quant à lui affirmé que son ministère soutiendrait «toute dénonciation de violences sexuelles ou de violences machistes».
Le cinéma espagnol condamne les violences sexistes et sexuelles
Quelques jours après, c’est au tour de l’Académie des Goya de prendre position. Dans un communiqué, l’Académie a commencé par exprimer sa solidarité avec les victimes de violences sexuelles avant de condamner de tels actes : « Notre institution qui représente l’ensemble des professionnel·les cinématographique du pays, condamne tout abus et réaffirme son rejet total de telles violences ainsi que sa solidarité et son soutien aux victimes qui dénoncent ces violences et la nécessité de continuer à dénoncer toutes les situations de ce type.»
L’Académie précise également que lors de la 38e cérémonie des Goya, qui se tiendra le 10 février prochain, le sujet des violences sexuelles et des abus de pouvoir sera au coeur de la soirée : «De tels actes n’ont leur place ni dans le monde du cinéma ni dans la société espagnole». Dans la même veine, Ana Belén et Los Javis (Javier Calvo et Javier Ambrossi) qui présenteront la cérémonie ont assuré avoir modifié le script de leur discours : « Nous trouverons le temps de raconter, d’accompagner et de soutenir les victimes.»
Dans un communiqué publié sur son site internet, l’association des femmes cinéastes (CIMA) dénonce également ces violences : « Partout où le pouvoir masculin est largement majoritaire, les violences sont dirigées contre les femmes. Malheureusement, le cinéma et l’audiovisuel espagnol ne font pas exception à cette réalité et nous pensons que le moment de dire BASTA (ÇA SUFFIT) est arrivé.»
D’un autre côté, la télévision espagnole a tout de suite retiré de sa plateforme RTVE Play le film du réalisateur, La niña de fuego (sorti en France en août 2015), pourtant visible jusqu’au mois de mai.
Des réactions bien loin de celles de l’entre-soi du cinéma français
Des réactions à l’opposé du « ça va c’est Gérard! » entendu en France… Car de ce côté-ci des Pyrennées, des accusations de violences sexuelles n’empêchent toujours pas un homme d’être considéré comme une star et d’être érigé en modèle. Rappelons d’ailleurs que l’entre-soi du cinéma français a même pendant des années apporté son soutien et continué d’encenser Roman Polanski (voir plus bas). Et ce, malgré les nombreuses accusations le concernant.
Même si grâce aux féministes, les médias commencent à progresser et ne plus placer sur un piédestal des pédocriminels et agresseurs sexuels (lire : STARS ET AGRESSEURS SEXUELS : LA TARDIVE ÉPIPHANIE DES MÉDIAS), le combat est loin d’être terminé.
La preuve récemment avec l’affaire Depardieu. Au lieu de se préoccuper des victimes d’agressions sexuelles, Emmanuel Macron présentait l’acteur comme une victime d’une chasse à l’homme. Avant de rendre hommage à l’artiste : « je suis un grand admirateur de Depardieu […] Il rend fier la France ». (lire : IMMIGRATION, VIOLENCES SEXUELLES : EMMANUEL MACRON PERD DE VUE LA GRANDE CAUSE).
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