Après celui de la peintre Séraphine, Martin Provost retrace le parcours de Violette Leduc, femme des années 50 libérée par la grâce de l’écriture et par Simone de Beauvoir. La critique ciné du mardi, par Valérie Ganne.
Est-ce qu’un personnage fait un film ? Sans doute, dès que vous vous intéressez au dit personnage ! Cette semaine, vous avez le choix dans les biopics : pour découvrir le chanteur de folk Dave Van Ronk, allez voir Inside Llewyn Davis, le dernier film des frères Coen, une réussite. Si vous êtes fan de Dominique de Villepin et des arcanes du pouvoir, choisissez plutôt le sémillant Quai d’Orsay de Bertrand Tavernier. En revanche, si votre trip c’est la littérature, direction Violette, portrait de Violette Leduc, femme des années 50 libérée par la grâce de l’écriture et par Simone de Beauvoir.
« La laideur chez une femme est un péché mortel » est la phrase qui ouvre ce film de Martin Provost. Laide donc, bâtarde, pauvre, aimant les hommes et les femmes, Violette Leduc a passé sa vie à rechercher l’amour et l’affection, en commençant par ceux de sa mère. Elle travaillera la matière première de cette vie qui ne la ménage pas et deviendra la première à écrire sur la (bi)sexualité, l’avortement, en toute franchise et avec un talent éclatant. « Violette Leduc écrit comme un homme », dira un critique de l’époque… compliment ultime.
Emmanuelle Devos, courageusement enlaidie par un faux nez et l’absence d’artifices, joue avec jubilation les montagnes russes émotionnelles de ce personnage hors du commun, de l’enthousiasme contagieux à la dépression profonde (sur le tournage elle se qualifiait d’« attachiante »). En face, Sandrine Kiberlain – qui a décidément de plus en plus de cordes à son arc – réinvente Simone de Beauvoir à la perfection. Notre « Castor » nationale a su porter à bout de bras cette écrivaine en devenir, la poussant en vingt ans à quitter son statut de victime pleurnicharde pour devenir une véritable auteure.
Sans doute trop long, car lent à démarrer et très classique, le film couvre la période de 1942 à 1964, du premier livre de Violette (Asphyxie) à la parution de La Bâtarde, qui lui permettra de connaître enfin le succès. Le réalisateur Martin Provost a quant à lui été reconnu et Césarisé avec le portrait de la peintre Séraphine incarnée par Yolande Moreau en 2008. Le lien entre les deux femmes est un texte inédit et admiratif de Violette Leduc sur Séraphine de Senlis, grâce auquel le cinéaste a découvert le personnage de la romancière. La peinture étant plus cinématographique que la littérature, Martin Provost a trouvé la force de son film dans la relation entre Violette et Simone, mais aussi via des parenthèses dans la nature qu’il sait très bien filmer, ici la Provence, lieu salvateur pour son héroïne.
Arte diffusera en mars prochain Violette Leduc, la chasse à l’amour documentaire inédit d’Esther Hoffenberg sur lequel nous reviendrons. En attendant, les éditions Gallimard en profitent pour ressortir trois de ses romans.
Violette, de Martin Provost, avec Emmanuelle Devos, Sandrine Kiberlain, Olivier Gourmet. Produit par TS, distribué par Diaphana. Sortie le 6 novembre.