
Lors de l’audition au Sénat, le 13 mars (via Service Women’s Action Network). Au premier rang, les quatre anciennes victimes ayant témoigné.
Pour la première fois, des sénateurs ont entendu officiellement des responsables militaires pour lever le voile sur l’impunité dont bénéficient trop souvent les auteurs d’agressions sexuelles dans l’armée.
Une commission du Sénat des États-Unis a mené, mercredi 13 mars, une séance d’auditions sur les agressions sexuelles commises au sein de l’armée. Devant des responsables militaires, les sénateurs ont dénoncé une culture d’impunité.
« La question des violences sexuelles dans l’armée n’est pas nouvelle. Mais elle est restée dans l’ombre depuis trop longtemps », souligne la sénatrice Kirsten Gillibrand, membre de la commission de Défense qui menait cette audition. C’est en effet la première fois que le Congrès se penchait sur cette question. Le récent scandale, très médiatisé, de la base militaire de Lackland, où 59 recrues ont été agressés sexuellement par des instructeurs, a précipité cette prise de conscience. Mais, comme le souligne le New York Times, le choix de cette audition témoigne aussi de « la ténacité des sénatrices membres de la commission de la Défense, maintenant un nombre de sept, un record, qui ont travaillé à porter à l’attention du public la question des agressions sexuelles dans l’armée ».
Chaque année, selon le Pentagone, ce sont près de 20 000 cas d’agressions sexuelles, dont des viols, qui sont relevés dans l’armée, les victimes étant autant des hommes que des femmes. En 2011, 2 439 cas ont fait l’objet de plaintes, mais seuls 240 agresseurs présumés ont comparu devant la justice militaire.
« Ordre et discipline »
Il s’avère aussi que de hauts gradés court-circuitent les jugements. Une autre affaire récente a ainsi fait scandale : un lieutenant colonel condamné a un an de prison pour agression sexuelle sur une base italienne a ainsi vu sa peine annulée par son supérieur. Il a pu reprendre ses fonctions. Cette suprématie des hauts gradés sur les décisions de justice est nécessaire pour maintenir l’ordre et la discipline », ont argué des responsables auditionnés. « Je ne vois pas comment vous pouvez parler d’ordre et de discipline quand on compte chaque année 19 000 cas d’agressions sexuelles et de viols », a rétorqué Kirsten Gillibrand. La sénatrice Claire McCaskill prévoit de déposer une proposition de loi pour empêcher ces hauts gradés de casser une condamnation.
La journée d’auditions a permis de recueillir plusieurs témoignages concrets, comme celui d’Anu Bhagwati. Cette ancienne capitaine des Marines a raconté ses expériences quotidiennes de discriminations et de harcèlement sexuel. Elle a dénoncé des actes, mais « les auteurs ont été promus ou mutés, sans être sanctionnés, tandis que les victimes ont été accusées de mensonge ou d’exagération ». Elle a depuis fondé le Service Women’s Action Network, destiné à lutter contre les discriminations et les violences à l’égard des femmes dans l’armée, et à accompagner les victimes.