Des militantes boycottent l’invitation tardive du président de la République à rendre hommage à Gisèle Halimi. Et, ce 8 mars 2023, bien des féministes font de la résistance à l’instrumentalisation. Notre agenda rend hommage à leur travail de Sisyphe.
Monsieur le Président, elles vous font une lettre …
«… Malgré toute l’admiration et la reconnaissance que nous avons pour notre fondatrice et notre amie, Gisèle Halimi, ce 8 mars 2023, Choisir la cause des femmes, son association, ne participera pas à votre cérémonie précipitée et au rabais. Ce 8 mars 2023, nous aurons d’autres choses à faire que de vous servir de caution féministe au moment où la France populaire, celle de la relégation sociale, celle des banlieues et des provinces que vous méprisez, se soulèvera contre le monde que vous incarnez. »
… ainsi se termine la lettre de Violaine Lucas, présidente de « Choisir la cause des femmes » à lire sur le site de l’association. En réponse à une invitation qui lui a été adressée le 2 mars, l’association créée par Gisèle Halimi avec Simone de Beauvoir a adressé une fin de non recevoir cinglante au président de la République.
À l’occasion de la journée internationale des droits des femmes du 8 mars 2023, Emmanuel Macron avait invité, au Palais de Justice de Paris, plusieurs personnalités à rendre hommage à la grande avocate féministe décédée le 28 juillet 2020.
Cette cérémonie tardive, tombant au lendemain d’une gigantesque manifestation contre la réforme des retraites qui pénalisera les femmes, a aussi été dénoncée par le Planning familial : « Le 8 mars ne doit pas être utilisé comme une journée de communication pour se donner bonne conscience, en demandant de surcroît des performances gratuites à nos associations féministes. Et l’organisation de l’hommage rendu à Gisèle Halimi, combattante féministe, anticaptitaliste et antiraciste, au plein cœur du mouvement social d’ampleur contre la réforme des retraites, nous semble relever d’une instrumentalisation manifeste. » écrit le planning dans un communiqué.
Sur Franceinfo, lundi 6 mars, la présidente de la Fondation des femmes, Anne-Cécile Mailfert annonçait à son tour qu’elle ne se rendrait « pas à cet hommage ». Estimant qu’il aurait pu y avoir « plein d’autres dates dans l’année » pour organiser cet événement, elle a affirmé qu’elle préférait être aux côtés des associations féministes ce jour-là : « Ma place est dans la rue, et c’est comme ça qu’on lui rendra le plus bel hommage ».
La question des hommages rendus ou pas rendus à Gisèle Halimi cristallise les crispations entre pouvoir (masculin) et féminisme. Lors de la mort de Gisèle Halimi, quelques hommes politiques multipliaient les déclarations saluant des idées de la grande avocate féministe que par ailleurs ils combattaient ou méprisaient. (Lire : Hommages à Gisèle Halimi, brevets de féminisme et théorie du complot)
Alors que des féministes demandent l’entrée de Gisèle Halimi au Panthéon, le président de la République remet l’idée à plus tard. Il s’était engagé à un hommage dans la cour des Invalides à Paris (lire ici) en 2020, puis avait promis cet hommage « début 2022 » mais il ne s’est rien passé. Notons au passage que des hommes comme Jean Daniel ou Jean d’Ormesson ont eu droit aux honneurs de la cour des Invalides quelques jours après leur mort.
Journée de la FLemme
Beaucoup d’événements, qui ont lieu le 8 mars, instrumentalisent, dépolitisent et minimisent la question féministe. Alors comme l’an dernier, la rédaction des Nouvelles News s’est mise en « pause » durant cette semaine du 8 mars. Une nouvelle façon de célébrer la « journée de la fLemme », une sorte de répit pour les féministes qui se battent tous les jours pour les droits des femmes et contre les stéréotypes sexistes et injonctions faites aux femmes. Ces militantes en ont assez d’expliquer chaque année que le 8 mars n’est pas la « fête de la femme » ni la journée de « la femme » au singulier. Parce que les femmes ne sont pas une abstraction façonnée par l’homme, mais des êtres humains qui se battent pour leurs droits.
Lire : Journée de la flemme : Lisez LesNouvellesNews.fr toute l’année
Dans le département du Val d’Oise, le collectif « Héro•ïnes 95 sans frontières » a dressé la liste des manifestations organisées par les communes et classé celles qui renforcent les stéréotypes et celles qui font avancer les Droits des femmes. « Attention, ça pique les yeux » préviennent-elles. Côté injonctions sexistes, ça va du « relooking » aux séances d’abdos-fessiers en passant par des séances d’information sur les métiers féminins (comme la gériatrie ou l’éducation…). Heureusement, certaines communes organisent aussi des conférences sur les Droits des femmes. La synthèse de cette étude est à lire dans cette série de tweets :
Travail de Sisyphe
Nous avons aussi repéré, dans notre agenda, les manifestations qui concourent au travail de Sisyphe de déconstruction des stéréotypes sexistes à l’origine de tant d’injustices. Vous pouvez d’ailleurs nous envoyer des informations à inscrire dans cet agenda des moments des Sisyphes ici : agenda@lesnouvellesnews.fr
Après cette pause « journée de la fLemme », nous ferons un point sur les annonces gouvernementales sérieuses. (Il y en a).
Toute l’année, et pas seulement le 8 mars, LesNouvellesNews.fr vous informent en passant l’actualité au filtre de l’égalité femmes-hommes. Vous pouvez consulter nos archives sous forme de dossiers ici.
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