« Des preuves d’amour » est un film joyeux qui raconte, le temps d’une grossesse, la vie d’un couple de jeunes mariées. Sauf qu’à la différence d’un couple hétérosexuel, celle qui ne porte pas le bébé doit prouver qu’elle peut devenir une « bonne mère » pour adopter son enfant à la naissance.

Ce week-end on fait un nouveau petit tour à la Semaine de la Critique où les films de femmes sont nombreux, se suivent et ne se ressemblent pas. « Des Preuves d’amour », en séance spéciale, est une comédie de société, inspirée du bouleversement de la loi sur le Mariage pour tous, votée en 2014. Cela fait plus de dix ans et pourtant le cinéma français ne s’était pas encore emparé de la question de la maternité dans un couple de femmes. Voilà qui est fait et bien fait, grâce à Alice Douard.
Nadia porte un bébé et enfle en fil des mois, pendant que sa femme Céline commence son parcours juridique pour adopter l’enfant à la naissance. Il lui faudra notamment réunir quinze témoignages de proches afin de prouver qu’elle sera « capable » d’élever cet enfant à venir. Cette longue formalité est également l’occasion d’un parcours intime. Et ce carambolage fait tout le sel de cette comédie alerte . Des preuves d’amour il en faut dans un couple homosexuel, où l’on se dispute sur les mêmes sujets que chez les hétérosexuels et où l’arrivée d’un bébé rajoute des tensions. Le regard des autres et de la société surgit sous forme de questions intrusives et maladroites des proches : Comment avez-vous décidé qui de vous deux portera l’enfant ? D’où vient le sperme ? Comment avez-vous choisi le père ? Qui va allaiter le bébé ? Va-t-il (ou elle) vous appeler toutes les deux maman ?
On en rit grâce à l’énergie clownesque de Monia Chokri, comédienne québécoise chez Xavier Dolan et elle-même réalisatrice de comédies de société enlevées (« Baby Sitter », « Simple comme Sylvain »). Sa femme Céline, jouée par Ella Rumpf, est plus introvertie, intense. Elle prend son rôle de « mère-père » très au sérieux, acceptant des baby-sitting avec les enfants des amis, accompagnant les séances de préparation à la maternité, échangeant avec des pères aussi chamboulés qu’elle. Comme le Clown blanc et l’Auguste, ce duo de comédiennes se complète à merveille. Leur maternité est aussi un moment de bouleversement des relations de filiation, ce que Céline découvre en renouant avec sa mère absente, géniale Noémie Lvovsky, en grande pianiste de concert qui, elle, n’a pas su donner des preuves d’amour à sa fille unique.
Quand un couple de femmes vit ensemble une grossesse, l’une d’entre elles se retrouve en quelque sorte du côté des hommes. Dans un entretien au site Format court en mars 2024, Alice Douard évoquait l’universalité de son sujet : « Mon but n’était pas de faire un film agressif ou revendicateur, mais un film qui inspire surtout la joie de ce moment particulier. L’universalité sert à ce que des hommes puissent s’identifier aux personnages féminins et se dire : « Ah tiens, c’est pareil en fait ! ». C’est une forme de militantisme pas discursif mais plus incarné, disons. »
« Des preuves d’amour » (comédie, 1h37) écrit et réalisé par Alice Douard, avec Ella Rumpf, Monia Chokri, Noémie Lvovsky, produit par Apsara Films et Les Films de June, distribué par Tandem. En séance spéciale à la Semaine de la critique, Cannes 2025
Alice Douard : son parcours
Elle vient de la prestigieuse Fémis, département réalisation. Son parcours a commencé classiquement par des courts métrages, en parallèle de boulots de scripte et de scénariste. Selon l’adage « on n’est jamais si bien servie que par soi-même », Alice Douard a créé en 2020 sa propre société de production, Les Films de June, avec sa compagne Marie Boitard, régisseuse pour le cinéma et la télévision. Ensemble, elles vont produire « L’attente », huis-clos d’une nuit où une jeune femme attend à la maternité l’accouchement de sa compagne. Récompensé du César du meilleur court-métrage en 2024, « L’attente » est inspirée de leur propre expérience de mères. C’est tout naturellement que la cinéaste a développé son histoire sur le temps d’une grossesse, devenue à la fois long métrage et « Preuves d’amour ».