Un petit vent de fraicheur a soufflé sur le festival avant l’annonce du Palmarès : les gamins du film « Ma frère » de Lise Akoka et Romane Gueret brillant par leur naturel et leur vivacité intelligente ont conquis tout les spectateurs.

A la séance de « Ma frère » le 22 mai dernier, une horde de gamins surexcités a envahi la salle Debussy. Ce sont les premiers fans du deuxième film du duo formé par Lise Akoka et Romane Gueret. On les avait découvertes avec « Les Pires » présenté à Cannes en 2022 à Un Certain Regard, qui racontait comment le tournage d’un film bouleversait une petite ville du Nord de la France. Dans ce « tournage dans le tournage », certains des jeunes acteurs étaient des amateurs recrutés sur place, en général « les pires » ou les « cassos ». Le monde du cinéma sait valoriser mais aussi vampiriser des inconnus en leur offrant un moment de célébrité. Toutes deux directrices de casting spécialisées dans les enfants, Lise Akoka et Romane Gueret ont ainsi découvert Mallory Wanecque, une des héroïnes des « Pires » maintenant lancée notamment avec un beau rôle dans « L’amour ouf » de Gilles Lellouch. Mallory était dans la salle Debussy venue à la projection soutenir la joyeuse équipe et les deux réalisatrices qui l’ont révélée.
Sélectionné à Cannes Première, section non compétitive de films en avant-première mondiale, « Ma frère » raconte une colonie de vacances de gosses du 19ème arrondissement de Paris, du point de vue des moniteurs. Les monitrices d’ailleurs sont majoritaires, en premier lieu le duo formé par Shaï et Djeneba, copines de 19 ans depuis toujours. Attendez-vous à deux nouvelles révélations d’actrices, Shirel Nataf et Fanta Kebe, auxquelles on peut ajouter la chanteuse Amel Bent (« Viser la lune ») en parfaite cheftaine de colo, copine, grande sœur, maman. On aimerait les citer tous, car très vite on fond de tendresse pour tous les monos ET tous les enfants !
Les réalisatrices ont signé également une série courte pour Arte.tv, basée sur un jeu de questions vieux comme l’enfance : « Tu préfères être riche et seul ou entouré et pauvre ? », « Tu préfères manger ton caca ou un Mon Chéri ?« . Ce jeu était d’ailleurs le thème du premier court métrage de Sophie Fillières en 1992, où les questions entre deux copines devenaient sadiquement drôles : « Tu préfères coucher avec ton père ou avec ta mère ? »
Parmi les ados de la série « Tu préfères » il y avait déjà Shaï et Djeneba, 16 ans. Aujourd’hui, presqu’adultes, elles reviennent encadrer des enfants de 6 à 10 ans qui offrent à la caméra toute leur spontanéité. Comme l’explique Lise Akoka : « On est à la recherche d’une certaine vérité, très difficile à atteindre, car les films sur les enfants ont évidemment toujours été faits par des adultes. Personnellement, je ressens ça comme une sorte de défi : de réussir à leur rendre hommage sans qu’ils subissent cette transformation du regard adulte. » Leur langage inventif, mélangeant argot et formules littéraires (« les Français ils sont décontractés, wesh« ), leur façon de singer les adultes en leur donnant des leçons de sagesse (« ne fais jamais confiance à un homme« ), leur cruauté entre eux mais avant tout leur humour; cette vitalité emporte tout.
Les enfants jouent aux adultes, les adultes ne sont pas totalement sortis de l’enfance, le jeu les réunit. Chronique sympathique de colonie de vacances, le film va plus loin en s’attachant aux enjeux des deux amies. Djeneba est encombrée d’une mère violente et d’un petit frère malmené; Shaï est surveillée par sa famille via son frère aîné tyrannique. Le titre « Ma frère » est d’ailleurs tiré de ces expressions d’affection non genrées qu’utilisent les ados entre eux, comme « ma frère », « ma gueule », ou encore « gros ».
Et c’est ce que Shaï et Djeneba représentent finalement : deux « frères/sœurs » et deux révélations féminines.

« Ma frère » de Lise Akoka et Romane Gueret (France, 1h55) avec Fanta Kebe, Shirel Nataf, Idir Azougli, Suzanne De Baecque, Amel Bent. Produit par Superstructure. Distribué par StudioCanal. Sortie prévue le 1er janvier 2026. Cannes Première.