Le troisième film de Julia Ducournau est une réussite qui divise les spectateurs comme il a divisé le public du festival de Cannes. Vérifiez par vous-même, « Alpha » est sorti en salle le 20 août.

Quand un film divise, c’est plutôt bon signe : au moins, il y a matière à s’écharper. Car Alpha est à la fois un retour sur les ravages du Sida, le récit d’apprentissage d’une adolescente, un film d’horreur, la chronique d’une famille dysfonctionnelle issue d’Afrique du Nord. L’attente sur ce film était grande, car Julia Ducournau est la deuxième femme à avoir reçu la Palme d’Or au festival de Cannes, en 2021 pour Titane, soit 28 ans après Jane Campion. Cela peut expliquer la violence de certaines critiques, qui aiment parfois faire payer aux cinéastes leur moment de gloire.
Bref, j’ai défendu Alpha lors de sa présentation à Cannes (lire « Alpha » : spectacle magistral) et je le défends à nouveau. La première porte d’entrée du récit est le Sida, sous forme de parabole, le virus transformant les malades en gisants de pierre dans une ville du Havre recouverte par des tempêtes de sable rouge. Sa jeune héroïne, Alpha, peut-être contaminée, en découvre les ravages sur le corps de son oncle mort-vivant, l’acteur Tahar Rahim, qui incarne avec 20 kilos de moins cet ange noir qui hante le film. Mais le personnage le plus intéressant, la véritable héroïne, est sans aucun doute la mère d’Alpha, incarnée par cette merveille de comédienne qu’est Golshifteh Farahani. Médecin, elle se dévoue à sa fille, son frère malade, ses patients, à sa famille entière, aveuglée par son amour sacrificiel et son refus de laisser le monde s’écrouler.
Dans ses interviews, Julia Ducournau souligne que ce projet qui l’habitait depuis des années est son film le plus intime. Il ne s’agit plus ici de donner à voir aux spectateurs des corps en mutation ou maltraités (cannibale dans Grave, engrossé par une voiture dans Titane) mais de raconter le parcours d’un personnage combattant la mort. « Dans le film, Maman n’est pas juste la mère de Alpha, c’est une Mère avec un grand M : mère pour ses patients, pour son frère, pour tous les êtres humains. Une femme dont l’instinct maternel s’applique au monde entier. Se détacher de ça, c’est très dur » résume la réalisatrice dans le dossier de presse. Après l’acharnement thérapeutique, la convocation de fantômes, la colère impuissante, il faut bien lâcher les armes. Sans vous divulgacher la fin, la « morale » d’Alpha est tout simplement l’acceptation de la mort par une femme. Porté par une bande-son parfaite (Portishead, Nick Cave, Beethoven), mis en scène avec brio, on espère qu’Alpha vous bouleversera.
« Alpha » de Julia Ducournau (2h08, France), avec Tahar Rahim, Golshifteh Farahani et Mélissa Boros, produit par Mandarin, distribué par Diaphana, en salle le 20 août 2025.
1 Commentaire
Divinement interprété . Ce film surprend et interpelle ! La bande son est top…
Mais l’atmosphère est très angoissante…