L’Eurodéputée Nathalie Loiseau est menacée de mort pour s’être opposée à une minute de silence pour Charlie Kirk. L’extrême droite interprète toute critique de cet influenceur comme une apologie de son assassinat. Ce mouvement dénonce la violence politique mais il en use abondamment.
Charlie Kirk,dirigeant d’un mouvement ultra-conservateur antiféministe, soutien de Donald Trump, a été tué par balle sur un campus universitaire américain le 10 septembre. Depuis, l’extrême droite accuse ses adversaires politiques de pousser à de tels crimes et attaque férocement toute personne qui ose critiquer l’idéologie de l’homme assassiné. Pour avoir dit non à la minute de silence au Parlement européen en l’honneur de cette figure de l’ultra-conservatisme, Nathalie Loiseau a reçu des menaces de mort.
Victime mais pas héros
La position de la députée européenne était pourtant claire : « Qu’il ait été victime d’un crime odieux ne fait pas de lui un héros » écrivait-elle sur X. L’élue Renew refusait de rendre hommage à un « homme qui bafouait toutes nos valeurs : homophobe, antisémite, raciste, défenseur de l’esclavage ». Sans, bien-sûr, approuver son assassinat : « Il ne méritait certainement pas de mourir. La violence politique est un fléau à combattre partout ».
La députée a également ajouté au passage que « l’assassinat de ce jeune influenceur » était similaire à celui d’une élue démocrate américaine » dont elle ne « se souvient pas qu’il ait déclenché une demande d’hommage ». –Melissa Hortman, une élue locale du Minnesota, qui défendait l’IVG, a été assassinée le 13 juin. –
Ces déclarations lui ont valu un déferlement d’insultes et de menaces de la part de l’extrême droite. Elle a d’abord réagi avec un brin de sarcasme : « Parce que j’ai rappelé que Charlie Kirk était sans conteste une victime mais pas un héros, je reçois des menaces de mort. Ses partisans sont des gens délicieux, vraiment. Les mêmes qui font mine de s’inquiéter de la violence politique et de la liberté d’expression » Sur Facebook, quelques jours après, elle annonçait qu’elle avait déposé plainte pour : « menaces de mort à mon endroit. Qu’ils soient prévenus, je n’ai pas l’intention de laisser passer. »
L’extrême droite transforme toute critique en apologie d’assassinat
Mais Nathalie Loiseau n’a pas fait beaucoup d’émules. « J’ai été la seule, sur 720 députés européens, à m’exprimer pour demander qu’on fasse la différence entre la condamnation unanime que nous devions faire face à l’assassinat d’un homme et le refus de cautionner ses idées. Aucun autre parlementaire n’a pris la peine d’exposer son point de vue » écrit-elle dans une tribune publiée dans Le Monde le 16 septembre. Elle ajoute même que très peu de responsables politiques se sont exprimés pour la soutenir, par peur de represailles…
L’extrême droite a ainsi eu tout le loisir de s’emparer de l’événement pour transformer toute critique de Krik en apologie de son assassinat. Et en faire un instrument de mobilisation de ses troupes.
Plusieurs dirigeants et personnalités de l’extrême droite française ont repris leur registre favori : la « persécution » des idées conservatrices et de ceux qui les portent. Jordan Bardella (RN) et ses amis ont dénoncé une « violence contre les politiques de plus en plus décomplexée » et ont présenté Charlie Kirk comme une victime de l’ « extrême gauche woke », allant jusqu’à évoquer une menace généralisée contre leurs propres idées et personnes.
L’estrême droite est à l’origine des meurtres commis par des groupes extrémistes
Ces bruyants indignés, repris par la presse – bien plus que Nathalie Loiseau !-, font écho aux propos de leurs homologues outre-Atlantique. Aux Etats-Unis, la gauche est accusée d’armer le bras du tueur… qui s’avère être un conservateur. Donald Trump a accusé « l’extrême gauche » de comparer « des Américains formidables comme Charlie aux nazis et aux pires criminels et meurtriers de masse du monde ». Et d’être ainsi par ce « genre de rhétorique, directement responsable du terrorisme que nous connaissons aujourd’hui dans notre pays ». Rien que ça !
Les chiffres lui donnent pourtant largement tort : l’organisation Anti-Defamation League a compté les meurtres commis par des groupes extrémistes aux Etats-Unis depuis 2005 : 93% sont liés à des organisations d’extrême droite.
Mais les discours victimaires renforcent les mouvances l’extrême droite partout. Des personnalités comme Alice Weidel (AFD, Allemagne) ou Santiago Abascal (Vox, Espagne) ont rendu hommage à Kirk, contribuant à en faire un « martyr ».
Ne reculant devant rien, Sarah Knafo, eurodéputée Reconquête a réclamé la remise à titre posthume du Prix Sakharov à Charlie Kirk. (Le prix Sakharov est la plus haute distinction accordée par l’Union européenne aux actions en faveur des droits humains. Lire ici). Ou comment faire d’un assassinat un tremplin idéologique…
Sorcières féministes
Les amis de Kirk ont même pris au premier degré un billet du site féministe « Jezebel » titré « On a payé des sorcières sur Etsy pour jeter un sort à Charlie Kirk » publié le 8 septembre. Le timing était mauvais mais le billet humoristique relevait de l’autodérision : les féministes, souvent prises pour des sorcières, reprenaient à leur compte la critique pour dérouler une contre-argumentation face à l’idéologie propagée par Kirk.
En faisant beaucoup de tapage et en falsifiant les informations, l’extrême droite fait passer les démocrates et la gauche pour des terroriste et fait avancer ses discours rétrogrades.
Prêches antiféministes
Le journal canadien La presse raconte une plongée au cœur du « Young Women’s Leadership Summit » organisé par le Turning Point USA, le mouvement dirigé par Charlie Kirk en juin dernier. Et c’est effrayant ! 3000 jeunes femmes extatiques entendent des prêches pour apprendre à « lutter contre le mouvement féministe moderne », « raviver la féminité biblique » et « lutter contre le wokisme ». Des prêches prononcés notamment par Erika Kirk, femme de Charlie Kirk.
La presse cite cet extrait du discours de Charlie Kirk : « Les femmes doivent savoir se soumettre à un homme pieux lorsqu’elles en ont besoin. Si vous n’êtes pas prêtes à le faire, vous devez prier pour cela. »… « Ayez du plaisir en le faisant ! ajoute Erika Kirk. Ne le voyez pas comme quelque chose que vous devez faire, mais comme une chance. J’ai la chance de servir mon mari. J’ai la chance de me soumettre à lui, car il se soumet à Dieu. »
Autre citation de Charlie Kirk : « J’espère que certaines d’entre vous vont repartir d’ici avec un avertissement qu’une vie axée autour d’une carrière est très vide, avait-il dit en juin. Les personnes les plus misérables en Amérique sont les femmes carriéristes dans leur trentaine […] Vous savez qui sont les plus heureuses ? Les femmes mariées avec beaucoup d’enfants. »
En suivant la leçon d’extrême droite, on peut supposer que, si elle était restée à la maison avec beaucoup d’enfants et aucun droit à la parole publique, Nathalie Loiseau n’aurait pas reçu ces menaces de mort.