Le prix Nobel de la paix a été décerné à Maria Corina Machado, opposante au gouvernement vénézuélien… Donald Trump s’estime davantage méritant, alors même qu’il continue de faire pression à ses propres opposants.
« Maria Corina Machado est l’un des exemples les plus extraordinaires de courage civique en Amérique latine ces derniers temps », salue le président du comité Nobel norvégien, Jørgen Watne Frydnes. Décerné le 10 octobre 2025, le prix Nobel de la paix met en lumière l’engagement de Maria Corina Machado, figure phare de l’opposition au président vénézuélien Nicolás Maduro.
Qui est Maria Corina Machado ?
« Je suis très reconnaissante au nom du peuple vénézuélien. Nous n’y sommes pas encore. Nous travaillons très dur pour y parvenir, mais je suis sûre que nous l’emporterons », a déclaré Maria Corina Machado après avoir reçu le prix Nobel de la paix. Engagée en politique depuis les années 2000, l’opposante est issue de la droite radicale vénézuélienne et défend une politique libérale. Pendant la présidence d’Hugo Chavez (1999-2013), qu’elle critique ardemment, Maria Corina Machado co-fonde en juillet 2002 l’organisation non gouvernementale Sumate, qui milite pour davantage de transparence électorale. En 2011, elle devient députée à l’Assemblée Nationale du Vénézuéla pour l’Etat du Miranda, avant de créer son propre parti politique en 2012 : Vente Venezuela.
Mais c’est en octobre 2023, lors des primaires de la Plateforme unitaire démocratique, qui rassemble les partis d’opposition, qu’elle se fait connaître des électeurs vénézuéliens, qui votent en masse pour elle : sur 3 millions de votants, elle récolte 93% des voix. Elle revendique alors haut et fort son opposition au gouvernement en place. Son engagement lui vaut le surnom de la libertadora (libératrice), un hommage direct au libertador Simon Bolivar.
« Elle a été une figure-clé de l’unité au sein d’une opposition politique autrefois profondément divisée, une opposition qui a trouvé un terrain d’entente dans la revendication d’élections libres et d’un gouvernement représentatif », estime le président du comité Nobel, tout en rappelant que « le Venezuela est passé d’un pays relativement démocratique et prospère à un État brutal et autoritaire en proie à une crise humanitaire et économique ».
Mais depuis 2024, Maria Corina Machado est contraire à la clandestinité. Suite à la très contestée réélection du président Nicolas Maduro, elle est menacée de mort. Néanmoins, elle décide de rester au Vénézuela pour poursuivre son combat pour la démocratie. « Machado a été obligée de vivre cachée. Malgré les graves menaces qui pèsent sur sa vie, elle est restée dans le pays, une décision qui a inspiré des millions de personnes. Lorsque des autoritaires s’emparent du pouvoir, il est essentiel de reconnaître les courageux défenseurs de la liberté qui se lèvent et résistent », salue le comité du Nobel.
Donald Trump, prix de l’hypocrisie
Mais l’annonce de ce prix Nobel de la paix a contrarié le président des États-Unis. Donald Trump estime qu’il aurait dû être l’élu. Déjà la veille de l’annonce de la nomination de Maria Corina Machado, il déclarait : « Je ne sais pas vraiment ce que [le comité Nobel] va faire. Mais je sais une chose : personne dans l’histoire n’a jamais résolu huit guerres en l’espace de neuf mois ». Il ajoute même : « Et moi, j’ai mis fin à huit guerres. Cela ne s’était encore jamais vu ». Dans les faits, la politique virilo-trumpiste balaye d’un revers de main la diplomatie. Lire : Trump humilie Zelensky « comme une femme »… : éclairage féministe d’un échec diplomatique
« Le président Trump continuera à conclure des accords de paix, à mettre fin aux guerres et à sauver des vies », a réagi sur X le directeur de la communication de la Maison Blanche, Steven Cheung. Il estime que « le comité Nobel a prouvé qu’il privilégiait la politique à la paix ».
Mais s’il se juge lui-même digne d’être Nobel de la paix, Donald Trump s’est lancé dans une croisade contre ses opposants. La dernière à en avoir fait les frais est Letitia James. La procureure générale de New York a été inculpée pour fraude bancaire, à la demande de Donald Trump. Les soupçons portent sur de fausses déclarations pour l’obtention d’un prêt bancaire, or, habituellement, ces procédures ne font presque jamais l’objet de poursuites. Les opposants de Donald Trump dénoncent une procédure tronquée, animée par un désir de vengeance de la part du président américain contre celle qui l’avait poursuivi, lui et deux de ses fils, pour fraude en 2022. Letitia James n’est pas la seule figure publique à subir les foudres du locataire de la Maison Blanche. L’ancien directeur du FBI James Comey a été inculpé ce jeudi 25 septembre pour faux témoignage et obstruction.
Interventionnisme américain
L’hypocrisie de Donald Trump est révoltante. Mais son égo est, lui aussi, sans limite. Suite à la nomination de Maria Corina Machado, il déclare : « La personne qui a reçu le prix Nobel m’a appelé aujourd’hui et m’a dit : ‘Je l’accepte en votre honneur, car vous le méritez vraiment’ ». Figure de la droite vénézuélienne, Maria Corina Machado a en effet fait allusion au président américain après avoir reçu le prix Nobel de la paix. Sur X, elle dédie son prix « au peuple du Venezuela qui souffre et au président Trump pour son soutien décisif à notre cause ». Donald Trump continue de s’attribuer les lauriers : « Je l’ai aidée tout au long du processus. Ils ont besoin de beaucoup d’aide au Venezuela, c’est une catastrophe fondamentale ».
Au Vénézuéla, la nomination de Maria Corina Machado fait débat et sa proximité avec Donald Trump dérange. En outre, elle est restée relativement silencieuse depuis que des navires de guerre, appartenant aux États-Unis, ont été aperçus près des côtes vénézuéliennes il y a deux mois. Mais le comité du Nobel précise que c’est le pacifisme de l’opposante vénézuélienne qui lui a valu d’être nommée prix Nobel de la paix cette année. En septembre 2024, le Conseil de l’Europe avait déjà salué son combat pacifique en lui décernant le prix Vaclav-Havel, qui récompense des défenseurs des droits de l’homme. En octobre 2024, elle avait aussi reçu le prix Sakharov qui est la plus haute distinction décernée par l’Union européenne pour les droits humains.
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