Attraction touristique, le buste de Dalida à Paris subit des attouchements quotidiens, au point que le bronze s’est oxydé au niveau de la poitrine. Des élus veulent en finir avec ces comportements des passants. Ceux qui trouvent celà ridicule font beaucoup de bruit.

« Un porte bonheur ». Drôle de façon de décrire un geste obscène qui révèle l’ampleur des agressions sexuelles dans l’espace public. À force d’être tripotée par les passants, la statue de Dalida, buste installé il y a 28 ans sur la place qui porte son nom dans le quartier de Montmartre à Paris, s’est complètement oxydée au niveau de la poitrine.
Le frère de Dalida ne voit pas le problème…
Depuis des années, des militantes féministes s’indignent de ce spectacle. Des élus écologistes, tel qu’Émile Meunier, se sont joint à leurs protestations. Lors d’un conseil municipal, ils ont fait valoir que « ces gestes relèvent d’une forme de banalisation du contact non consenti avec la représentation du corps féminin ». Ils ajoutent : « Ils traduisent une persistance symbolique d’appropriation du corps des femmes dans l’espace public » et « participent à la culture d’impunité ». Ils réclament alors que des barrières soient mises autour du buste, qu’il soit également rehaussé et qu’une pancarte de sensibilisation soit installée. Un peu comme dans le cas de Molly Malone en Irlande :
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Mais le frère de Dalida, Orlando, s’y oppose. Invité sur RTL le 26 novembre, ce dernier a déclaré : « C’est leur avis, pas le mien. Soyons sérieux, ça choque qui ? À force de vouloir interdire tout, on finit par ne rien interdire. Ça fait 28 ans qu’elle est là, personne ne s’en est plaint ». Il poursuit : « Il faut arrêter le ridicule, même si ça ne tue pas. Il ne faut pas prendre tout au sérieux. Il ne faut pas oublier que ce n’est qu’une statue, ce n’est pas Dalida », estime-t-il, et ajoute : « Les seins des femmes représentent aussi la mère. C’est peut-être un geste de refuge auprès de la mère… ».
Il conclut : « On n’a pas beaucoup de curiosités, on n’a pas beaucoup de monuments qui attirent autant de gens autour, conclut-il. Laissons-le, ça attire les touristes, c’est bien tombé pour la ville… ». Si rien ne peut être fait sans son accord, le frère de Dalida accepte tout de même que le buste soit réhaussé.
En finir avec la culture du viol
La volonté de protéger la statue de Dalida divise. À la suite d’un article du journal Le Point, à propos des déclarations du frère de la chanteuse, les commentaires sexistes fusent. On peut lire : « La statue s’est-elle plainte ? Sinon c’est de la police des mœurs, comme où déjà ? » ou « De trop nombreuses associations feraient beaucoup mieux de s’occuper sérieusement de leurs oignons. Cette polémique est stupide. Je la trouve aussi idiote que si l’on voulait interdire aux touristes de tourner le dos à la fontaine de Trévise pour y jeter une pièce. Caresser ces seins de bronze ne porte préjudice à personne ».
Mais, plaident les protecteurs de la statue et des femmes, le préjudice est réel. Loin d’être anodin, ce geste met en lumière des comportements sexistes quotidiens et entretient une culture du viol dans l’espace public. Comme si le corps des femmes était à la disposition des hommes qui veulent les toucher.
Cette notion d’appropriation du corps des femmes est assez généralisée dans le monde. À Vérone, en Italie, c’est la statue de Giulietta (Juliette), qui représente une adolescente de 14 ans, qui en est la cible. À Dublin, en Irlande, c’est la statue du personnage de Molly Malone. La campagne #LeaveMollymAlone lancée par Tilly Cripwell, une étudiante de 23 ans et chanteuse, a incité le conseil municipal de Dublin à engager des gardiens pour protéger la statue. En mai 2024, l’association allemande Terre des Femmes installe des affiches derrière plusieurs statue de femmes : celle de Juliette Capulet à Munich, celle de « La femme du Rhin » à Berlin et celle d’une jeune fille baptisée « La Jeunesse » à Brême. Leur message : « Le harcèlement sexuel laisse des traces ». Quelques statues d’hommes aussi connaissent ce destin, comme la tombe de Victor Noir au Père Lachaise, oxydée au niveau de son entrejambe. Le toucher serait « bénéfique à la fécondité »…
Une statue figure dans l’espace public pour commémorer une personnalité et rendre hommage à son rôle dans l’Histoire. Le respect ou l’irrespect de ce monument façonnent les mœurs.
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