
Par rachel_pics sur Flickr
Le Centre d’analyse stratégique, dans son rapport consacré au soutien aux parents, n’évoque qu’à la marge le rôle des pères. Encore une occasion manquée de considérer la parentalité sous l’angle de l’égalité.
Cinquante bonnes pratiques pour « promouvoir le bien-être des enfants, celui des parents et la relation parents/enfant ». C’est ce que propose le rapport du Centre d’analyse stratégique (CAS) remis lundi 3 septembre à la ministre déléguée à la Famille, Dominique Bertinotti.
En analysant la situation en France et en présentant un catalogue d’expériences menées à l’étranger, le CAS y souligne la nécessité « pour les pouvoirs publics de créer des services à destination de tous les parents (quelle que soit la configuration familiale) et à toutes les étapes du développement de l’enfant. »
La ministre en a aussitôt profité pour appeler les entreprises à mettre en œuvre une de ces bonnes pratiques : offrir une heure à leurs salariés pour qu’ils accompagnent ou aillent chercher leurs enfants à l’école, à l’heure de la rentrée scolaire.
A la recherche du nouveau contrat social
Et après ? Dominique Méda l’écrivait en 2001 : la France n’a pas su s’adapter à l’entrée en force des femmes sur le marché du travail (1). La sociologue appelait à « reconstruire la société autour de la nouvelle norme de couples biactifs », repenser le rôle des pères pour s’adapter aux nouvelles nécessités de conciliation entre vie familiale et vie professionnelle . Dix ans après, l’État n’a toujours pas osé mener cette « révolution ».
Au début de l’année, le directeur de l’Observatoire de la Parentalité en Entreprise, Jérôme Ballarin, proposait « un nouveau contrat social entre hommes et femmes ». Il dressait lui aussi une liste de bonnes pratiques pour permettre à l’entreprise d’accompagner une nécessaire « révolution conjugale », parmi lesquelles une réforme des congés paternité et parental. En juin 2011, c’est Brigitte Grésy qui proposait au gouvernement des pistes semblables pour un égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités familiales.
Les pères toujours en retrait
Mais on attend encore la réponse politique à ces appels. Et dans le rapport du CAS, les pères restent encore et toujours en retrait. « Les pères veulent dorénavant assumer davantage leur fonction parentale. Ils cherchent à s’investir et à vivre pleinement leur paternité », observe le rapport. Sans guère aller plus loin que ce constat. Seuls deux exemples de pratiques à l’étranger évoquées dans le rapport les concernent directement. A Singapour, le Centre for Fathering propose des ateliers de formations de une à deux heures sur le développement et l’éducation des enfants. Il « cherche aussi à mobiliser les acteurs locaux en les sensibilisant à l’importance du rôle des pères pour leurs enfants », note le rapport. Voilà la seule vraie piste concrète. Mais il faut dire qu’en terme de soutien à la parentalité, Singapour est tout sauf un exemple. La deuxième bonne pratique relevée est celle des « Soirées de gars » au Québec : des soirées lecture entre les pères et leurs fils – et tant pis pour les relations pères-filles.
Le discours de la ministre a lui aussi tendance à laisser les pères en retrait. Sur France Inter lundi midi, Dominique Bertinotti évoquait à plusieurs reprises « les parents » et les « mères de famille », sans prononcer le mot « père ». Elle évoquait tout de même, une fois, les « pères de famille » le lendemain matin sur RMC.
Les discours émanant du ministère des Droits des femmes donnent toutefois des raisons de croire encore à une « révolution conjugale » encouragée par l’État « Nous devons dessiner les contours d’une nouvelle société dans laquelle les identités qui naissent d’une relation égalitaire entre les deux parents sont vécues comme des identités positives », annonçait ainsi Najat Vallaud-Belkacem le 30 août, dans le cadre de la conférence des ambassadeurs .
(1) Dominique Méda, « Le temps des femmes – Pour un nouveau partage des rôles ». Flammarion, 2001 (actualisé en 2008).