Comment les qualificatifs choisis par un institut de sondage, différents selon qu’il s’agit d’une ou d’un ministre, illustrent le dénigrement des femmes de pouvoir. Analyse textuelle.
Arriviste, ambitieuse, impulsive, autoritaire… autant de qualificatifs négatifs accolés par « les Français » (ou plutôt 1005 personnes) à la personnalité de Ségolène Royal. « Ses qualités perçues sont rares », fait observer Le Parisien, commanditaire d’un sondage de l’institut Odoxa sur l’image de la ministre de l’Ecologie, publié dimanche 7 juin.
Mais ces qualificatifs associés à la ministre, ce sont d’abord ceux que l’institut (et son commanditaire ?) a choisis. Et dans un sondage, la façon dont les questions sont posées est souvent plus parlante que les résultats.
Ici, tout est question de vocabulaire. Les sondés sont ainsi invités à dire s’ils jugent Ségolène Royal « autoritaire » – ce que l’institut, dans ses commentaires, perçoit comme une qualité, mais que Le Parisien transforme en défaut. Car le mot est ambigu… Ségolène Royal soulignait d’ailleurs lors de la campagne présidentielle de 2007 qu’on lui reprochait d’être « autoritaire », quand l’autorité est vue comme une qualité pour les hommes.
Voir : Les codes virils du monde politique
On constate ainsi au fil des sondages d’Odoxa pour Le Parisien que le mot « autoritaire » n’est employé que pour qualifier les femmes politiques (Martine Aubry y a droit également). Quand il s’agit de qualifier un homme politique, le mot ambigu est délaissé au profit d’une autre tournure.
Dans un sondage similaire, en janvier, portant sur un autre ministre, Bernard Cazeneuve, le qualificatif choisi était en effet : « ayant de l’autorité » (c’était le cas aussi pour François Hollande et pour Dominique Strauss-Kahn en février). Une façon de gommer toute dimension négative.
Bannir le terme ‘bossy’ (l’équivalent anglais d’autoritaire) quand il s’agit de qualifier les femmes de pouvoir, c’est justement l’objet de la campagne lancée il y a un peu plus d’un an par Sheryl Sandberg, la numéro 2 de Facebook, et plusieurs dirigeantes aux Etats-Unis.
Voir : Ni « bossy » ni « bitch » les femmes de pouvoir
Mais ce terme n’est pas le seul à perpétrer le dénigrement des femmes politiques. « Ambitieuse » ? « Arriviste » ? Ces deux qualificatifs associés à Ségolène Royal, l’institut Odoxa ne les proposait pas non plus à propos de Bernard Cazeneuve, pas plus que pour Dominique Strauss-Kahn. Lequel avait pourtant ambitionné de devenir président de la République (et contre qui les socialistes avaient choisi Ségolène Royal en 2007).
Les frasques de l’ancien directeur du FMI lui valaient certes des qualificatifs négatifs : « misogyne », « immoral ». Mais curieusement, alors que l’institut demande aux sondés si Ségolène Royal est « impulsive » ou encore « incontrôlable », ces choix n’étaient pas proposés pour DSK. Ils auraient pourtant été adéquats, non ?