La loi faisant de la vulnérabilité économique le 21ème critère de discrimination sera adoptée ce mardi. ATD Quart Monde, qui a inspiré le texte, souhaite qu’il « contribue à changer les comportements » à l’égard de la pauvreté.
[Mise à jour : le texte a été définitivement adopté]
La grande pauvreté, ou vulnérabilité économique, est sur le point de devenir le 21ème critère de discrimination reconnu en France. Quasiment un an jour pour jour après son adoption par les sénateurs, les députés examinent mardi 14 juin, en première lecture, la proposition de loi « visant à lutter contre la discrimination à raison de la précarité sociale ».
Le texte, qui fait l’unanimité au sein des groupes politiques, sera à coup sûr adopté. Et, sauf surprise, dans les mêmes termes qu’au Sénat. Ce qui évitera une deuxième lecture et rendra son adoption définitive.
Cette proposition de loi, largement inspirée par un combat de longue date de l’association ATD Quart Monde (Les Nouvelles NEWS l’évoquaient déjà en… 2010), prévoit d’ajouter, aux 20 critères de discrimination1 déjà reconnus par la loi (dans le code pénal et le code du travail), celui de « la particulière vulnérabilité résultant de la situation économique, apparente ou connue de son auteur ». Les comportements constitutifs de discrimination sont punis de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.
Ce critère de vulnérabilité économique est déjà présent dans le droit français. La loi du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel a prévu, c’était une première, une circonstance aggravante lorsque les faits sont commis sur « une personne dont la particulière vulnérabilité ou dépendance résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale est apparente ou connue de son auteur ».
Quel mot pour qualifier la peur des pauvres ou leur discrimination ?
En juin 2015, dans un avis transmis aux sénateurs, le Défenseur des droits relevait qu’il est amené à traiter « d’une majorité de situations concernant l’accès aux droits des personnes en situation de précarité ou de grande pauvreté », notant que « 40 % de ces saisines concernent des demandes liées aux prestations sociales. »
Reste que l’objectif derrière cette loi n’est pas seulement « d’obtenir réparation devant la justice des actes de discrimination commis à l’égard des personnes très pauvres, mais bien de changer les comportements dans toute la société », insiste ATD Quart Monde.
Dès lors, derrière cette loi, comment appeler ceux qui discriminent les pauvres ? C’est la question que pose ATD Quart Monde, à l’occasion de l’examen du texte, en relevant que « l’Académie française confirme qu’il n’existe pas de mot en français pour qualifier la peur des pauvres ou leur discrimination ».
« Comment qualifier les peurs qui conduisent des habitants à refuser de voir un HLM se construire dans leur quartier ? Comment faire comprendre que ‘cas soc’’ est une injure inacceptable au même titre que les injures racistes ou homophobes ? », interroge l‘association qui a lancé une campagne pour nommer cette discrimination pour précarité sociale, avec le hashtag #UnNomPourDireNon.
Selon les dernières estimations de l’INSEE, le taux de pauvreté s’établissait à 14,2% en France en 2014. Ce sont ainsi 8,5 millions de personnes qui vivent sous le seuil de pauvreté établi à 60% du revenu médian, soit 1 002 euros mensuels (ou 2 104 euros par mois pour une famille composée d’un couple avec deux enfants de moins de quatorze ans). Plus du tiers des familles monoparentales (à 80% des femmes seules avec enfant.s) vivent en dessous du seuil de pauvreté.
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Claire Hédon, présidente d’ATD Quart Monde pour convaincre
1/ L’origine, le sexe, la situation de famille, la grossesse, l’apparence physique, le patronyme, l’état de santé, le handicap, les caractéristiques génétiques, les mœurs, l’orientation sexuelle, l’âge, les opinions politiques, les activités syndicales, l’appartenance ou la non appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, auxquels se sont ajoutés « l’identité sexuelle » en 2012 et le « lieu de résidence » en 2014.