Un sondage choc : 12% des femmes disent avoir été victimes de viol au cours de leur vie. Dans une précédente enquête, elles étaient 3,26%. Un phénomène massif, quoi qu’il en soit. Et dans les deux cas l’écrasante majorité des violeurs sont des proches.
Des chiffres « massifs ». Dans un sondage dévoilé vendredi 23 février par la Fondation Jean-Jaurès1, 12% des femmes interrogées en France disent avoir été victimes de viol au cours de leur vie. « Ce chiffre de plus d’une femme sur dix est tout à fait interpellant et se situe au-dessus de ce que d’autres enquêtes ont mesuré par le passé », commente le think tank.
De fait, dans la dernière enquête d’ampleur sur le sujet – l’enquête Virage dévoilée fin 2016 par l’Ined, Institut national d’études démographiques – ce sont 3,26% des femmes qui déclaraient avoir subi un viol au cours de leur vie. Un chiffre plus de trois fois moindre, même si en soi il est déjà « interpellant » et témoigne du caractère massif du viol : 3,26%, cela représente une femme sur trente. S’ajoutent, dans cette enquête, 2,5% des femmes déclarant avoir été victimes d’une tentative de viol.
La différence d’ampleur est sensiblement la même pour ce qui concerne les agressions sexuelles : dans l’enquête Virage, 14,5% des femmes déclaraient avoir subi au moins une forme d’agression sexuelle au cours de leur vie. Dans le sondage de la Fondation Jean-Jaurès, elles sont 43% à déclarer avoir été victimes de caresses ou d’attouchements sans leur consentement.
Peut-on expliquer une telle différence ? Chaque étude comporte « sa part de biais », relève Chloé Morin, directrice de l’Observatoire de l’Opinion de la Fondation Jean-Jaurès. L’enquête Virage a été réalisée auprès d’un échantillon de plus de 15 000 femmes, âgées de 20 à 69 ans, interrogées par téléphone sur une période de 9 mois, en 2015 ; la Fondation Jean-Jaurès a interrogé pour sa part 2 167 femmes âgées de 18 ans et plus, via un questionnaire auto-administré en ligne, entre le 6 et le 16 février 2018.
Pour le think tank, le taux bien plus élevé de victimes déclarées dans son sondage a pu « être favorisé par le mode d’interrogation » : en ligne, les femmes peuvent plus facilement se confier que lors d’un entretien téléphonique. La Fondation évoque aussi « le contexte dans lequel cette enquête a été réalisée, marqué par de très nombreuses révélations de cas de violences sexuelles touchant tous les milieux et largement relayées par les médias », ce qui « a généré un phénomène de prise de conscience ou permis la levée d’un tabou chez une partie des victimes ».
Les deux enquêtes, en tous les cas, convergent sur un point : les membres de l’entourage (familial ou amical) ou les conjoints constituent « l’écrasante majorité » des violeurs et des agresseurs sexuels. Une réalité encore « en décalage avec les représentations collectives sur le sujet », fait remarquer la Fondation Jean-Jaurès.
Voir aussi : Dénoncer un viol quand l’auteur est un proche
Dans l’enquête Virage, 48% des femmes violées disaient l’avoir été dans leur couple actuel ou par un ex-conjoint. Et 24% dans un espace public, mais pas forcément par un inconnu. Dans le sondage de la Fondation Jean-Jaurès, 49 % des femmes ayant subi un viol à l’âge adulte incriminent leur conjoint, 17 % un membre de l’entourage, 6 % un membre de la famille contre 17 % qui mentionnent un inconnu.
Autre constat : la difficulté à porter plainte. Selon ce dernier sondage, seules 15% des femmes victimes de viol ont déposé plainte. L’Observatoire de la délinquance et de la réponse pénale (ONDRP), qui compte les faits commis au cours des deux dernières années, évalue pour sa part à 8% seulement le nombre de personnes ayant porté plainte pour des faits de violences sexuelles.
La Fondation Jean-Jaurès met également en lumière le fait que ces violences sexuelles sont « un problème majeur de santé publique ». Selon le sondage, alors que 81 % de l’ensemble des femmes se disent satisfaites de leur vie en général, ce n’est le cas que de 69 % de celles ayant été victimes d’un viol (soit un écart de 12 points). Et le viol multiplie par 4 le risque suicidaire : 21% des femmes victimes de viol (contre 5% des femmes en moyenne) ont déjà fait une ou plusieurs tentatives de suicide.
1/ Enquête de la Fondation Jean-Jaurès réalisée avec l’institut de sondage Ifop auprès d’un échantillon de 2167 femmes âgées de 18 ans et plus, entre le 6 et le 16 février 2018.