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Cette semaine dans les salles deux portraits de femmes inspirés d’héroïnes réelles : une jeune photographe passionnée de Centrafrique dans « Camille », une Française devenue chamane dans « Un monde plus grand ».
- Camille Lepage est morte en Centrafrique en 2014 : le film « Camille » n’en fait pas mystère retraçant son parcours de quelques mois dans ce pays pour lequel elle s’était prise de passion. Jeune photographe, elle y a séjourné à plusieurs reprises lors d’une guerre civile fratricide, réussissant à vendre ses clichés à plusieurs journaux, faisant sa place dans un milieu essentiellement masculin, mélange de reporters de guerre, d’étudiants, de miliciens.
Le film de Boris Lojkine s’appelle tout simplement « Camille » pour rendre hommage à cette femme tenace et intrépide, dont les véritables photos rythment le parcours. Elle est incarnée par la jeune Nina Meurisse, habitée par son personnage. D’abord formée à la dure, au jour le jour avec des reporters qui veulent dénoncer mais doivent aussi veiller à ne pas être utilisés (certaines des violences sont perpétrées à des fins de propagande), Camille refuse d’abandonner alors que la guerre qui met la Centrafrique à feu et à sang n’est plus d’actualité pour les Occidentaux. Elle s’éloigne pour rester seule blanche parmi les noirs, de mieux en mieux acceptée, jusqu’à intégrer une bande miliciens. « Hope » (Espoir), précédent film de ce réalisateur, suivait des migrants qui fuyaient le Nigéria et le Cameroun et devait son titre au prénom de la jeune femme au coeur du récit. Ici, Camille, la photographe éprise d’idéal, trouve sa place dans le monde : « Je suis seule au milieu d’une guerre qui n’est pas la mienne et pourtant je ne me suis jamais sentie aussi vivante ». Mais l’issue de cette plongée vibrante et étouffante sera fatale.
« Camille » de Boris Lojkine (France, Centrafrique, 1h30), avec Nina Meurisse, Fiacre Bindala. En salles le 16 octobre.
- Si Camille a trouvé la mort en Centrafrique, Corine, elle a retrouvé la vie en Mongolie. Française installée à Londres pour fuir un deuil, Corine Sombrun était venue en reportage pour la BBC chez des éleveurs de Rennes en Mongolie. Pendant une cérémonie chamanique, le tambour la plonge en transe, on lui annonce qu’elle possède un don et qu’elle doit être initiée au chamanisme. Le chamane est un passeur entre le monde des morts et celui des vivants. Si ce genre d’ouverture sur « Un monde plus grand » vous paraît impossible, n’allez pas voir le film de Fabienne Berthaud. Si cependant le sujet de la transe chamanique vous intéresse, sachez que la réalisatrice a respecté la réalité : le tournage a eu lieu dans la steppe mongole, sans eau ni électricité, dans une tribu de nomades Tsaatans. Loin d’une reconstitution en carton pâte, Corine Sombrun a suivi les repérages et le tournage comme consultante et Cécile de France réussit à être aussi à l’aise parmi les mongols que crédible en transe chamanique. Le défi est réussi pour la comédienne comme pour la réalisatrice. « Un monde plus grand » fait le portrait d’une femme au destin hors norme, mais nous ouvre surtout sur ces traditions dont notre société cartésienne nous a éloignés. D’ailleurs les neurosciences commencent à s’intéresser très sérieusement au phénomène de transe, à des fins de recherche et éventuellement thérapeutiques.