
photo @Clivia_P
La promotion de son film J’accuse est atténuée après de nouvelles accusations de viol. Une brèche semble s’ouvrir dans l’omerta sur les violences sexuelles.
Vendredi 8 novembre dernier, Le Parisien publie les accusations de la photographe Valentine Monnier contre le cinéaste Roman Polanski. Lequel s’est dérobé à la justice américaine qui l’avait condamné pour avoir drogué puis violé une fille de 13 ans. Les faits remontent aux années 70 et sont prescrits. Mais la photographe veut rendre publique cette accusation en raison de la sortie en France du film «J’accuse», qui porte sur une erreur judiciaire, l’affaire Dreyfus et du parallèle que fait Polanski avec lui-même «persécuté». Elle raconte : « Ce fut d’une extrême violence, après une descente de ski, dans son chalet, à Gstaad (Suisse). Il me frappa, roua de coups jusqu’à ma reddition puis me viola en me faisant subir toutes les vicissitudes.» Le témoignage de la photographe s’ajoute à celui de trois femmes au moins (12 selon certaines sources), accusant le réalisateur d’abus ou d’agressions sexuelles.
Roman Polanski «conteste fermement » les accusations de Valérie Monnier. Son avocat retient que, les faits datant d’il y a 45 ans, «n’ont jamais été portés à la connaissance de l’autorité judiciaire.» Il omet bien sûr de noter que celles qui ont osé porter plainte se sont exposées à la vindicte des amis du réalisateur, à une omerta bien huilée et à l’inertie de la justice en France. Mais depuis #MeToo Valérie Monnier a voulu parler de cette histoire. Et des témoignages d’amis qui la fréquentaient à l’époque des faits confirment ses accusations. Suite au témoignage fort d’Adèle Haenel, la photographe a pu lâcher une nouvelle bombe dans la tranquille impunité des artistes violeurs.
Mais la promotion continue…
Il semblerait que, petit à petit la fabrique à stars que sont les médias commence à se gripper. Dès la publication de ces nouvelles accusations, l’antienne « distinguer l’homme de son œuvre » a résonné un peu moins fort qu’à l’accoutumée. Et les acteurs qui devaient assurer la promotion du film sont devenus personæ non gratæ dans les médias. Les rendez-vous ont été annulés les uns après les autres à la télévision et à la radio. Mais la promotion continue… Pour des raisons économiques. Malgré toutes les horreurs que l’homme a fait vivre à des jeunes filles, il gardait la confiance des médias et des institutions puisque son dernier film est co-financé par certains d’entre eux. La directrice de France Inter Laurence Bloch affirmait mardi que, dans le cadre de ce partenariat, la radio diffusera des messages promotionnels sur ses ondes. Et, dès ce mercredi matin, une critique très positive du film était diffusée sur la radio publique, incitant les auditeurs à aller le voir. Tout en ayant, dans un journal précédent, consacré quelques secondes d’antenne au boycott organisé par des activistes et diffusé un billet haut en couleur de Guillaume Meurice la veille (Voir plus bas).
La violence sexiste n’empêche toujours pas un homme d’être considéré comme une star et donc érigé en modèle. Son film J’accuse a été récompensé du Grand Prix du jury à la Mostra de Venise il y a quelques mois malgré quelques réserves liées au parallèle osé par Roman Polanski avec sa propre histoire s’estimant « persécuté ». Mais ces réserves avaient été balayées. Culture du viol, inversion de culpabilité, les médias continuent de répandre la rhétorique des agresseurs. On l’a vu aussi avec Bertrand Cantat accueilli dans les plus grands festivals et se pavanant dans les journaux, parfois en posture de victime, après avoir tué Marie Trintignant. (voir Les fausses excuses des Inrocks sur Cantat )
Et les militantes qui essaient de dire d’arrêter de faire de ces auteurs de violences sexistes des héros sont encore trop souvent stigmatisées. Cette fois-ci, elles ont réussi, mardi soir, à bloquer l’entrée du cinéma Le Champo dans le Quartier latin à Paris réclamant « Pas d’honneur pour les violeurs ». Mais d’autres avant-premières se sont déroulées ailleurs. Malgré cette manifestation, malgré le texte très clair d’Osez le féminisme reproduit ici sur un blog de Mediapart, le bruit médiatique reste très fort en faveur de l’inversion de culpabilité avec l’alibi : « séparer l’homme de son œuvre ». Mais la brèche ouverte dans l’omerta s’agrandit petit à petit.
Histoire d’une impunité triomphante: En 2010, la justice américaine réclamait l’extradition de Polanski pour qu’il soit jugé alors qu’il s’était enfui plus de 30 ans plus tôt après avoir été condamné pour avoir drogué et violé une enfant de 13 ans. Une bonne partie du microcosme culturel et politique avait pétitionné à tour de bras lors de son arrestation. Et les médias lui tendaient complaisamment le micro. Voir Polanski libre, des pétitionnaires heureux, une victime oubliée En 2013, toujours considéré comme un génie par ses pairs, il affiche une misogynie relayée comme parole d’évangile dans le microcosme du cinéma Voir Après Ozon, Polanski au festival des beaufs Il a fallu attendre 2017 pour pouvoir constater que « la société a avancé sur la conscience des violences faites aux femmes » … Avance mais pas trop vite. Roman Polanski avait été nommé à la présidence des César, cette nouvelle héroïsation d’un violeur avait provoqué un tollé et il avait fini par renoncer. Voir « Polanski renonce à la présidence des César : ‘Une victoire absolument formidable’ » Mais quelques mois plus tard, le monde du cinéma célébrait le réalisateur sans l’ombre d’un scrupule. Roman Polanski était la star d’une rétrospective qui lui était consacrée à la Cinémathèque française à Paris. Et lui et ses amis, n’avaient pas de mots assez méprisants pour conspuer les féministes qui protestaient contre ce sacre. |
Cette fois-ci sera-t-elle la bonne ? Guillaume Meurice apporte des éléments de réponse depuis une radio qui est à la fois partenaire de Roman Polanski et tente d’être progressiste sur les droits des femmes…