Julia Ducournau reçoit la Palme d’Or. Deuxième femme en 74 ans !

par Valérie Ganne

La réalisatrice arrive en conférence de presse juste après la cérémonie de clôture.

En récompensant Titane, le jury du 74ème Festival de Cannes met en lumière de manière fracassante une oeuvre fantastique, sanglante, violente ; mais surtout une jeune cinéaste française, Julia Ducournau. C’est la première Palme d’Or attribuée à une femme depuis Jane Campion il y a 28 ans.
Il a suffit d’une douzaine d’années pour qu’une jeune étudiante de la Fémis en section scénario (promotion 2008) gravisse toutes les marches du cinéma français : son court métrage, Junior, présenté à la Semaine de la critique en 2011, a été suivi d’un long métrage de genre, Grave, qui a fait beaucoup parler de lui dans la même section cannoise en 2016, puis par un deuxième long métrage, Titane récompensé d’une Palme d’or par le jury présidé par Spike Lee.  Entretemps, Julia Ducournau a réalisé deux épisodes de la série américaine Servant, créée et produite par M. Night Shyamalan.

Quelque part entre Crash de Cronenberg et Alien 3 de Fincher, Titane a été le choc du festival de Cannes la semaine dernière. Une petite fille qui grandit avec une plaque de titane dans la tête après un accident de voiture, devient danseuse érotique dans les salons automobiles. Vivant encore chez ses parents, Alexia se met à éliminer violemment ses amant.e.s. Pour échapper à la police, elle se fait passer pour un jeune garçon disparu et se retrouve adoptée par Vincent Lindon, capitaine d’une caserne de pompiers. Ce résumé est bien loin de rendre hommage à l’inventivité du film, qui se joue des genres et des clichés, pour évoquer paternité – et maternité – de manière fracassante.

Agathe Rousselle, la révélation de « Titane »

Deuxième femme à recevoir une Palme d’or, la cinéaste devient soudain le symbole d’une jeune génération qui prend le pouvoir, tout en demeurant lucide : « J’espère que le prix vaut pour mon film et pas pour mon genre. Mon genre ne me définit pas. Étant la deuxième femme à recevoir ce prix, j’ai beaucoup pensé à Jane Campion, je dois dire qu’en tant que seconde, ce qui me porte c’est que je fais partie d’un mouvement en marche. Il y aura une troisième, une quatrième, une cinquième » expliquait-elle en conférence de presse. Une des caractéristiques de Titane est justement sa grande liberté de déconstruction des genres, qu’ils soient sexuels, sociaux, et même cinématographiques. « Ce n’est jamais facile d’être libre, quelles que soient les circonstances. La liberté n’est pas un acquis. C’est un combat de tous les jours » a souligné la réalisatrice, remerciant le jury d’avoir « reconnu le besoin avide et viscéral que nous avons d’un monde plus fluide et plus inclusif ». Le film est en salles depuis le 14 juillet, vous pourrez vous faire votre opinion vous-mêmes.

Titane de Julia Ducourneau, avec Agathe Rousselle, Garance Marillier et Vincent Lindon, produit par Kazak, distribué par Diaphana, sorti le 14 juillet 2021. Interdit aux moins de seize ans.

 

Bande annonce

 

 

Les femmes multi-primées à Cannes

Renate Reinsve à la conférence de presse de sortie du Palmarès

Il n’y avait que quatre films de réalisatrices en compétition au festival de Cannes sur 24 films. Mais ils étaient bien plus nombreux dans les sections parallèles (comme nous le racontions ici). Et elles ont été encore plus nombreuses en proportion à être primées, ce qui révèle la force de cette nouvelle vague venue du monde entier.

On le sait moins, mais il existe une Palme d’or du court métrage : elle a été attribuée à la jeune Tang Yi, originaire de Hong Kong pour Tous les corbeaux du monde, accompagnée de la brésilienne Jasmin Tenucci, qui a reçu une mention pour Le ciel du mois d’août.

La Caméra d’or, qui récompense le meilleur premier film toutes sections confondues, a été emportée par la croate Antoneta Alamat Kusijanovic pour Murina. La cinéaste n’a pu venir recevoir son prix car elle accouchait la veille de la cérémonie de clôture !

Dans la section Un Certain regard, les films de femmes étaient nombreux et forts, souvent des premiers ou deuxièmes films, ce qui promet pour la suite. Quatre ont été récompensées par le jury Un Certain regard : la Russe Kira Kovalenko, la Française Hafsia Herzi, la Belge Teodora Ana Mihai, et la Mexicaine Tatiana Huezo. Laura Wandel a été remarquée par la Fipresci (presse internationale) pour Un Monde, Catherine Corsini a reçu la Queer Palm pour la Fracture. On peut ajouter à cette liste, la comédienne Renate Reinsve prix d’interprétation féminine pour Julie (en 12 chapitres). Sous le titre anglais I am the worst person in the world, le film de Joachim Trier dresse le portrait sur plusieurs années d’une jeune norvégienne d’aujourd’hui, qui apprend à vivre seule et devenir elle-même.