Une rencontre 100% hommes, quelques femmes à l’honneur. Résumé rapide des dix jours du dernier festival de Cannes, à travers le prisme des présences et récompenses féminines.
2022, retour du festival en année normale : c’est-à-dire sans tests Covid et sans masque, avec beaucoup de festivaliers, de strass et de paillettes, tout le barnum qui entoure les films et fait parfois oublier leur qualité. Internet est dans la place : la communication du festival se fait en partenariat avec la plateforme Brut, d’immenses panneaux publicitaires célèbrent le réseau chinois Tik Tok (leur slogan : « ceci n’est pas un film, c’est une vidéo Tik Tok »). Influenceur.se.s et instagrameur.se.s se sont invités par centaines sur la Croisette. Une prime au court terme et à l’image qui brille. Signe des temps, le réalisateur suédois Ruben Östlund a choisi comme héros de son film « Sans filtre » un jeune duo de mannequins aux multiples followers sur le net. Elle a gagné une croisière sur un yacht, lui l’accompagne et la photographie. Tous les passagers sont d’une richesse indécente et vivent en dehors du monde jusqu’à ce qu’une tempête et un naufrage les fassent revenir à la réalité. Le jury présidé par Vincent Lindon a choisi d’offrir la Palme d’Or à cette farce qui tape sur tout le monde sans distinction, un film drôle, féroce et complètement misanthrope.
Où sont les femmes dans le Palmarès de cette année ?
L’iranienne Zar Amir Ebrahimi a remporté le prix d’interprétation féminine. Dans « Holy Spider » de Ali Abbasi, elle incarne une journaliste voilée, têtue et intrépide. Seule, en mode « lonesome cowgirl», elle va littéralement forcer la police à arrêter un tueur en série qui s’attaque aux prostituées dans une ville sainte.
La française Claire Denis a reçu le Grand Prix du jury pour son film « Stars at noon ». Le Grand Prix, sur l’échelle hiérarchique sophistiquée des prix cannois, c’est la récompense juste en dessous de la Palme d’Or. Elle a partagé sa récompense avec le jeune surdoué Lukas Dhont, pour son deuxième film, « Close » (souvenez-vous : c’est le réalisateur de « Girl », Queer Palm et Caméra d’or en 2018).
La Caméra d’or 2022, meilleur premier film toutes sections confondues, a été attribuée à deux cinéastes américaines : Gina Gammel et Riley Keough. C’est leur premier film de réalisatrices, elles en sont aussi productrices : « War Pony » suit deux jeunes garçons dans une réserve indienne du Dakota, pitch qui n’est pas sans rappeler les premiers films de Chloé Zhao. On a hâte de découvrir.
Du côté de la section Un Certain regard, on trouve des jeunes cinéastes, des films de tous pays, et des talents à foison : le jury présidé par la comédienne Valeria Golino a récompensé deux premiers films, tous deux réalisés par des cinéastes françaises. Le long-métrage de Lola Quivoron, « Rodéo », a reçu le prix coup de cœur et créé la polémique avec ses rodéos nocturnes à moto. Le Grand Prix est allé aux « Pires » de Lise Akoka et Romane Gueret. Nous reviendrons dans un autre article sur ce film et sur une autre pépite du festival, prénommée « Dalva »…
Autre nouveauté, une rencontre avait été organisée le 24 mai pour la presse avec de grands cinéastes présents à Cannes. Il s’agissait de fêter le 75ème anniversaire. Léger malaise à l’ouverture de la discussion : il n’y avait que des hommes à la table : Guillermo del Toro, Costa Gavras, Lelouch, Kassovitz… Dix réalisateurs prestigieux et masculins ont donc donné leur avis sur l’avenir du cinéma. Les réseaux sociaux n’ont pas manqué de faire remarquer l’absence de parole féminine. Le lendemain le festival a rectifié le tir à la hâte en invitant Lynne Ramsay et Rebecca Zlotowsky à rejoindre le panel pour évoquer le même sujet. Quant aux talentueuses cinéastes Agnès Jaoui et Alice Rochwacher, elles ont heureusement eu droit chacune à une « master classe » en solo.