Des mesures anti-avortements ont été adoptées dans la région autonome espagnole de Castille-et-Léon, codirigée par le parti politique d’extrême droite Vox et le Parti Populaire conservateur espagnol (PP). Les femmes souhaitant avorter pourront quand même le faire mais en seront fortement dissuadées.
En ce début d’année, c’est une très mauvaise nouvelle qui s’abat sur les femmes espagnoles de la région de Castille-et-Léon. A l’issue du conseil de gouvernement qui s’est tenu le 12 janvier dernier, des mesures « en faveur de la vie » ont été annoncées. Celles-ci rentrent dans le cadre de l’engagement pris par les partis Vox et PP en faveur de la natalité. En mars dernier, Vox et le Parti Populaire s’étaient mis d’accord et avaient signé un pacte de gouvernance commune pour la région de Castille-et-Léon. Dans ce pacte, signé le 10 mars 2022, ils s’étaient engagés sur plusieurs points dont les points 12 et 13 concernant l’aide aux familles et la promotion de la natalité.
Avec cet accord, le vice-président de la communauté autonome, Juan García-Gallardo, a déclaré que quatre mesures avaient été prises pour le développement de la natalité et le soutien aux parents. La première de ces mesures consiste à « garantir une aide psycho-sociale à toutes les mères qui en auraient besoin ». La seconde est quant à elle appelée « protocole du rythme cardiaque foetal » : « Nous allons offrir aux parents la possibilité d’écouter le rythme cardiaque foetal entre la semaine 6 et la semaine 9 de la grossesse ». Dans la même lignée, la troisième mesure sera de faire des échographies 4D pour que les parents voient en temps réel le foetus. Si ces mesures devront être obligatoirement proposées par les personnels médicaux, même dans le cas de femmes souhaitant avorter, celles-ci n’y seront pas contraintes si elles ne le souhaitent pas. En ce qui concerne la quatrième et dernière mesure, il s’agit de « veiller à ce que soit respecté le droit fondamental des professionnels de santé à faire jouer la clause de conscience ».
Dans une interview au journal El Debate, Juan García Gallardo se réjouit de cet accord et explique que d’autres gouvernements, comme celui de Hongrie, ont adopté des mesures similaires avec un impact positif sur la natalité et une baisse du nombre d’avortements pratiqués. Il va même plus loin dans ses déclarations en ajoutant que « même si nous arrivons à sauver ne serait-ce qu’une vie, cela n’aura pas été vain dans une Espagne où beaucoup, y compris depuis leurs responsabilités politiques, accroissent une culture de la mort ».
Lire : IVG EN HONGRIE : L’EXTRÊME DROITE VEUT FAIRE « ÉCOUTER LES BATTEMENTS DE CŒURS DU FŒTUS »
L’annonce de cet accord à effet immédiat a suscité de vives réactions dans la région autonome de Castille-et-León et même au-delà. Beaucoup d’Espagnol·es ont fait part de leur écoeurement sur les réseaux sociaux qualifiant, pour certain·es, ces mesures de retour à l’époque du néandertal et de chantage émotionnel envers les femmes en situation de vulnérabilité. Une fois de plus, le droit à l’avortement se retrouve fortement menacé dès lors que l’extrême-droite s’empare d’un peu de pouvoir.
Rappelons qu’en 2014, un projet de loi visait déjà à restreindre fortement les conditions d’accès à l’IVG aux femmes espagnoles. Cette réforme envisagée de la loi sur l’avortement avait alors déclenché une profonde colère dans tout le pays, menant notamment à la création d’un mouvement féministe connu sous le nom du Train de la liberté. Le 1er février 2014, plus de 30.000 personnes avaient défilé dans les rues de Madrid en réclamant le retrait de ce projet de loi et la démission d’Alberto Ruíz Gallardón, ministre de la Justice de l’époque. Les espagnoles ont été soutenues par les femmes du monde entier et de nombreuses manifestations ont eu lieu un peu partout dans le monde. Ce rassemblement féministe, considéré à cette époque comme l’un des plus importants d’Espagne en faveur des droits des femmes, avait d’ailleurs fait l’objet d’un documentaire. Des cinéastes s’étaient réunies pour créer le Collectif des femmes cinéastes contre la réforme de la loi sur l’avortement puis près d’une centaine d’entre elles ont participé à la réalisation du documentaire intitulé « Yo decido. El tren de la libertad » (Je décide. Le train de la liberté) financé par une plateforme de crowdfunding (financement social). Face à la pression sociale, le gouvernement avait fini par faire marche arrière et annoncer le retrait de ce projet de loi (lire : L’ESPAGNE ENTERRE LA RÉFORME DE L’AVORTEMENT).
Ce dimanche 15 janvier, Irene Montero, ministre espagnole de l’égalité, a annoncé sur Twitter que le gouvernement de coalition avait déposé une requête au gouvernement de Castille-et-Léon pour défendre le droit à l’avortement : « Nous n’hésiterons pas à mettre en place toutes les actions nécessaires afin de garantir les droits des femmes. Avortement sûr, libre et gratuit pour toutes ».
Lire aussi sur Les Nouvelles News :
LOI ANTI-AVORTEMENT EN ESPAGNE : LA CAMPAGNE DES EUROPÉENNES ROUVRE LE DÉBAT
AVORTEMENT, CONTRACEPTION : LE CONSEIL DE L’EUROPE MET EN GARDE CONTRE LES TENDANCES RÉTROGRADES
« LES FEMMES DÉCIDENT ! », POUR LE DROIT À L’AVORTEMENT PARTOUT EN EUROPE