30% seulement des nouvelles entreprises sont créées par des femmes. S’orientant plus souvent vers les services que vers la high tech, elles bénéficient de moins d’aides publiques et d’investissements privés que les hommes. Pour les aider à franchir le pas, les initiatives se multiplient.
Elle est vice-présidente du seul réseau français – voire européen – exclusivement constitué de femmes Business Angels (FBA). Et pourtant, Françoise Huguet-Devallet le reconnaît : « Sur les 53 entrepreneurs que nous avons financés en six ans d’existence, la majorité était des hommes ! » Et pour cause: « ils sont plus nombreux à nous présenter des projets ! ».
Malgré la démocratisation incontestable du phénomène entrepreneurial en France (622 000 créations en 2010, un record), les femmes se lancent moins souvent dans la création d’entreprises que les hommes : elles constituent seulement 30% du bataillon des créateurs.
Le phénomène n’est pas spécifique à l’Hexagone : si les pays d’Europe du Sud sont encore plus à la traine, les pays d’Europe du Nord n’affichent guère de résultats très sensiblement supérieurs à la France. Les Etats Unis et le Canada, pourtant montrés en exemple pour le dynamisme de leur entrepreneuriat féminin, n’atteignent pas non plus la parité : les femmes y créent environ 35 à 40% des nouvelles entreprises.
« Pourtant, les femmes ressentent de plus en plus souvent l’envie d’entreprendre », assure Viviane de Beaufort (photo), professeur à l’Essec et responsable académique du programme « entreprendre au féminin » lancé en 2008. Elle distingue ainsi trois catégories d’entrepreneuses :
« Les oubliées », tout d’abord. Agées de plus de 45 ans, elles sortent souvent d’une période de chômage et elles cherchent avant tout à créer leur propre emploi.
Un peu plus jeune, « la génération X » entreprend par frustration. Diplômées, compétentes, ces femmes ont touché ce fameux « plafond de verre » qui les empêche de progresser. Ou de concilier librement leurs différents rôles, de femme active, et de mère. Dans cette catégorie se recrutent aussi les « mompreneurs », ces femmes qui entreprennent à la naissance de leur(s) enfant(s).
La troisième catégorie d’entrepreneures, « la génération Y » ne prend même pas le temps de se projeter durablement dans le modèle de la grande entreprise : ces femmes très jeunes (moins de 30 ans) n’y passent que les deux ou trois années indispensables pour se forger une première expérience et un petit réseau. Mais pour la suite, elles ont bien l’intention de se créer elles-mêmes leur propre ascenseur social !
Rentrer dans les cases
Pourtant, si leur dynamisme ne fait aucun doute, les femmes passent moins souvent à l’acte que les hommes. Plus que les hommes, elles s’autocensurent. Par manque de confiance en elles, par crainte de négliger leurs rôles familiaux : les clichés se révèlent parfois difficiles à vaincre.
Bien souvent aussi, leurs projets sont moins ambitieux : la moitié d’entre elles se contentent de moins de 8 000 euros pour lancer leur entreprise. « Mais attention », note Viviane de Beaufort, « de plus en plus, le regard des banques à leur égard change, et à leur avantage ! Il existe même des financements spécifiques (notamment le fonds de garantie à l’initiative des femmes, FGIF). A elles donc aussi de se donner les moyens de faire appel à l’emprunt ! »
Hommes et femmes,à chacun son secteur | |
Sur 100 entreprises créées... | |
les hommes choisissent à 30,5% la construction à 23,3 % le commerce à 20,6 les services aux entreprises |
et les femmes préfèrent à 29,1% le commerce à 21,3% les services aux entreprises à 20,8 les services aux particuliers à 12,9% l’éducation, la santé et l’action sociale |
Source : INSEE |
De même, il semble que les femmes bénéficient moins souvent d’aides tout simplement parce qu’elles investissent moins dans les secteurs ….aidés, comme la high tech ou les biotechs. Elles préfèrent l’innovation sociale à l’innovation technologique, les services à la personne au BTP, le commerce de détail aux transports (voir encadré). Les organismes d’aide à la création d’entreprise ne se montrent pas toujours « women friendly ». Lors d’une conférence organisée par l’incubateur d’entreprise Paris Pionnières le 1er décembre dernier, plusieurs organismes, comme OSEO, le confessaient. Environ 10 % des aides publiques à l’investissement de départ des entreprises bénéficient à des sociétés créées par des femmes… Alors qu’elles représentent 30 % des créateurs d’entreprise. Mais elles n’entrent pas dans les cases prévues par ces aides. Et la création de nouvelles cases ressemble à un parcours de combattant(e)s.
Programmes et réseaux
Les entreprises « féminines », du reste, affichent quelques particularités intéressantes : aux Etats Unis, les études ont notamment montré qu’elles employaient plus de représentants des minorités. Parce qu’elles ont un management plus léger, elles affichent aussi une plus grande productivité. Revers de la médaille : moins capitalisées, actives dans des secteurs plus difficiles -comme le commerce-, moins intégrées aux réseaux professionnels, les femmes sont plus prudentes sur les embauches, et leurs entreprises se révèlent un peu moins pérennes à cinq ans que celles créées par les hommes.
C’est pourquoi s’est développé ces dernières années un mouvement de soutien à l’entrepreneuriat féminin : ainsi, plusieurs plate-formes de France initiative, l’un des principaux d’appui à la création d’entreprise, ont engagé des programmes spécifiques. Les BGE (ex- boutiques de gestion) ont également lancé des parcours ciblés pour les créatrices. Mais les montants d’aide proposés sont bien plus faibles que ce que peut proposer Oseo par exemple.
A l’Essec, Viviane de Beaufort accueille 15 à 20 entrepreneures par promotion. Mais existe aussi, désormais, tout un réseau de femmes chef d’entreprises et de structures d’aides spécifiquement féminines : tel Force Femmes, qui soutient les femmes de 45 ans et plus ; France Pionnières, qui accueille dans ses incubateurs les porteuses de projets ; Action’Elles, réseau féminin d’aide à la création d’entreprise ; le réseau Racine et les Clefe (clubs locaux d’épargne pour les femmes qui entreprennent); ou encore les Femmes Business Angels qui, dans un métier dominé à 95% par les hommes, regardent les créateurs d’un oeil différent. Mesdames, votre Kbis* vous attend !
*Document statuant l’existence d’une société.