Après Metoo, le nombre de plaintes a augmenté. Mais les classements sans suite aussi, « faute de preuve ». Cependant, la violence conjugale semble un peu mieux prise en compte.

Dans les affaires de violences sexuelles, le taux de classement sans suite s’élève à 86 %, et il culmine à 94 % pour les viols. Ce sont les chiffres les plus frappants d’une note de l’Institut des politiques publiques (IPP) sur « Le traitement judiciaire des violences sexuelles et conjugales en France. » réalisée par Maëlle Stricot.
La chercheuse a analysé près d’un million d’affaires à partir du fichier statistique CASSIOPÉE du ministère de la Justice fournissant des informations sur toutes les affaires pénales reçues par les magistrats, classées sans suite ou traitées entre 2012 et 2021.
Environ un tiers des affaires étudiées par l’IPP concernait des faits de violences sexuelles (viols, agressions sexuelles, harcèlement sexuel) et deux tiers des violences conjugales. Des affaires bien plus nombreuses à partir de 2017 avec le mouvement #MeToo… mais qui ont connu une réponse du système judiciaire inégale.
D’abord, le taux de classement sans suite de ces plaintes est a priori élevé : 86% des violences sexuelles. La note précise que pour les autres infractions d’atteintes à la personne (violences physiques, menaces…), ce chiffre est de 85 %, mais ce n’est pas pour les mêmes raisons.
Classée parce que « infraction insuffisamment caractérisée »
Les infractions pénales sont, en général classées sans suite parce que l’auteur est inconnu. Les violences sexuelles et conjugales, en revanche, sont classées sans suite parce que les infractions sont considérées comme « insuffisamment caractérisées » par le parquet qui ne les traite pas « faute de preuves. »
Cette décision de classement concerne 59 % des affaires de viol reçues par les parquets, 43 % des agressions sexuelles et 44 % des affaires de harcèlement sexuel. « Cela ne signifie pas que l’infraction n’a pas eu lieu, mais que les circonstances des faits n’ont pas pu être clairement établies par l’enquête ou que les charges ou éléments de preuves sont insuffisants. » précise la note.
13% aboutissent à une condamnation
Quand les affaires sont instruites par un tribunal pénal ou correctionnel, elles aboutissent à des condamnations. 90 à 95 % des auteurs d’infractions sexuelles sont reconnus coupables à l’issue du procès. Une proportion presque identique aux autres infractions d’atteintes à la personne. Mais, les classements sans suite ayant été très nombreux, « au global, ce sont 13 % de tous les auteurs impliqués dans des affaires de violences sexuelles qui ont finalement été déclarés coupables par ces juridictions, et 27 % des auteurs de violences conjugales. » compte l’étude.
La violence conjugale mieux prise en compte
Le mouvement MeToo a-t-il changé la donne ? Concernant les viols, l’étude observe une augmentation des plaintes mais pas une augmentation du traitement de ces plaintes. Le taux de classement sans suite des viols est passé 86 % à 94 % entre 2016 et 2020. Mais pour les violences conjugales la tendance est inverse. Ce taux étant passé de 76 % en 2016 à 67 % en 2020, pour les violences sexuelles. Les preuves seraient plus faciles à recueillir. Autre amélioration : la hausse des poursuites des auteurs de violences conjugales s’est accompagnée d’une plus grande sévérité des peines prononcées.
Agir politiquement
Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des femmes a commenté sur les réseaux sociaux : « Depuis 2019 et le Grenelle des violences conjugales, il y a eu une mobilisation politique sur la question des féminicides et ça a permis un recul de l’impunité, et ça a permis à plus de victimes d’avoir justice. Agir politiquement ça marche. » Mais elle voit aussi le chemin qu’il reste à parcourir.
Rappelons que POUR LUTTER CONTRE LES VIOLENCES FAITES AUX FEMMES, L’ARGENT MANQUE CRUELLEMENT
La note de l’Institut des politiques publiques rappelle que l’augmentation du nombre d’affaires n’a pas entrainé une augmentation proportionnelle « des moyens financiers et humaines accordées à la justice ».