La ministre des Sports demande la démission du président de la fédération. Le parquet ouvre une enquête. Les agresseurs sexuels et ceux qui les couvrent sont dans le collimateur.
Les agressions sexuelles dans le sport n’en finissent pas de sortir au grand jour. Dans son livre « Un si long silence » (Plon) la patineuse artistique Sarah Abitbol raconte le calvaire qu’elle a vécu lorsqu’elle était adolescente. Elle accuse son entraîneur de l’époque de viols et multiples agressions sexuelles. La veille de la sortie de son livre, une enquête publiée par le quotidien sportif L’Equipe racontait les violences sexuelles, le harcèlement moral et « la jeunesse volée » à des jeunes athlètes mineures dans les années 70 et 80 dans le milieu du patinage artistique mais aussi de la natation.
Plusieurs entraîneurs sont en cause et en particulier Gilles Beyer bourreau de Sarah Abitbol qui a fini par reconnaître, non pas des viols mais «des relations intimes» et «inappropriées». Comme l’affaire était sur la place publique et qu’elle s’accompagne d’autres révélations d’agressions sexuelles, pas de dérobade possible. Le club de patinage et de hockey des Français Volants, basé à Paris, a décidé de mettre fin à ses fonctions de manager général vendredi dernier.
Plus de trente ans après les faits, l’agresseur est sanctionné par son club. Mais en s’exprimant, les victimes de ces prédateurs veulent aussi pointer la responsabilité de celles et ceux qui ont maintenu l’omerta, qui ont fermé les yeux, ont eu peur ou n’avaient aucun moyen de faire mettre hors d’état de nuire les agresseurs dans le milieu du sport comme dans d’autres milieux. (voir aussi : ADÈLE HAENEL S’ATTAQUE À LA RESPONSABILITÉ COLLECTIVE DANS LES AGRESSIONS SEXUELLES)
Et l’entourage de Gilles Beyer est mis en cause. La ministre des Sports, Roxana Maracineanu, a demandé la démission du président de la Fédération française des sports de glace (FFSG), Didier Gailhaguet le 3 février. «Le nombre de faits et leur étalement dans le temps illustrent qu’au-delà des personnes citées, un dysfonctionnement général existe dans la FFSG. (…) Le président ne peut se dédouaner de sa responsabilité morale et personnelle» a déclaré la ministre. Mais Didier Gailhaguet refuse. Le président de 66 ans, ex- patineur et entraîneur assure qu’il a découvert les accusations d’agressions sexuelles dans le milieu du patinage avec la sortie du livre de Sarah Abitbol. Mais il met en cause « la ministre qui était en poste au moment des faits », Marie-George Buffet. Interrogée sur France-Info le 4 février, l’ex-ministre assure qu’elle avait fait tout son possible pour écarter Gilles Beyer. « Nous avions été alertés par une famille et j’avais immédiatement diligenté une enquête administrative qui concluait de façon très nette qu’il fallait écarter cet entraîneur des jeunes athlètes et donc on l’a suspendu immédiatement pour six mois. Et on a transmis le dossier au parquet de Créteil. Mais le parquet de Créteil n’a pas donné suite. Donc, il a pu revenir par la porte. Il a pu ensuite prendre des responsabilités au sein de la Fédération ou de certains clubs.»
Didier Gailhaguet ne peut donc pas prétendre qu’il ignorait tout. Mais il a l’air déterminé à le faire. Il prévoit une conférence de presse le 5 février.
La ministre des sports, Roxana Maracineanu, qui n’entend pas laisser la Fédération poursuivre ses activités comme si de rien n’était, a assorti sa demande de démission d’une procédure de retrait de la délégation à cette fédération. Il s’agit d’une sanction très rare qui peut conduire à retirer à la FFSG le droit d’organiser des compétitions ou d’inscrire des athlètes de haut niveau à des compétitions internationales. Et les Championnats du monde de patinage commencent dans un mois et demi à Montréal.
L’ex-ministre Marie-George Buffet affirme qu’il faut « faire un grand ménage dans le sport. » Et cela commence par des sanctions exemplaires pour les agresseurs et surtout pour ceux qui les couvrent.
Suite à ces révélations et bien que les faits dénoncés par Sarah Abitbol soient prescrits, le procureur de la République de Paris a annoncé ce mardi 4 février, avoir ouvert une enquête préliminaire. «Au-delà des faits évoqués dans ce livre, les investigations, confiées à la brigade de protection des mineurs de la Direction Régionale de la Police Judiciaire de Paris, s’attacheront à identifier toutes autres victimes ayant pu subir, dans le contexte décrit, des infractions de même nature», a indiqué le procureur, Rémy Heitz.