Non, le 72è festival de théâtre d’Avignon dont la thématique était « le genre » n’a pas accordé davantage de place aux autrices. Juste quelques tribunes pour dénoncer leur faible nombre.
« J’en ai ma claque de voir une majorité de femmes muettes, privées de paroles, venir s’asseoir dans l’obscurité des salles pour recevoir là, bien sagement, la parole des hommes, la vision du monde portée par des hommes, dessinée par des hommes, en majorité blanc, en plus. » Carole Thibaut, directrice du théâtre des Îlets de Monluçon, fait partie de celles qui dénoncent, la sous-représentation des autrices au théâtre et l’illusion d’une évolution. Elle a dû recommencer cette année à l’occasion du 72è festival de théâtre d’Avignon.
Beaucoup de journalistes avaient annoncé un « festival d’Avignon féministe », comme en 2017 d’ailleurs et quelques autres années auparavant. Mais, alors que le festival s’achève dans quelques jours, les autrices n’ont toujours pas eu les honneurs du In autant que les auteurs. Tout juste ont-elles obtenu quelques tribunes pour le dénoncer… une nouvelle fois.
« Moi la grande gueule rigolote je me suis mise à pleurer comme une conne » a avoué Carole Thibaut « Il y a deux ans, donc, j’étais ici même en train de déblatérer un texte sur la quasi absence des autrices dans le festival In, à l’invitation de Thomas [Jolly]. Cette année, deux ans après, Thomas joue dans la cour d’honneur, et moi je suis de nouveau ici, invitée cette fois par David, en train de déblatérer devant vous un autre texte censé être rigolo et bien enlevé sur la situation des femmes artistes-créatrices. » David, c’est David Bobée le directeur du Centre dramatique national (CDN) de Rouen qui a mis en scène, dans le jardin Ceccano de la Cité des papes, Mesdames, Messieurs et le reste du monde, défini dans le programme comme une « scène ouverte sur l’espace public, agora où déplier le feuilleton de l’engagement des mots, où faire voir et entendre les invisibles. »
Et « invisibles », les autrices le sont restées. Ou presque. Ou précisément assignées à des rôles qu’elles dénonçaient dans les tribunes qui leur était accordées : elles sont majoritaires là pour signer les œuvres qui s’adressent au « jeune public ». Carole Thibaut a compté « la programmation du festival In, hors jeune public, présente 9% d’autrices femmes pour 91% d’auteurs hommes. » Mais pour les spectacles jeune public 75% d’autrices.
Pire : le festival joue l’illusion de la domination féminine. « Une des seules rencontres thématiques programmées qui aborde le sujet s’intitule ‘les femmes dans le spectacle vivant, doit-on craindre le grand remplacement ?’ » s’étrangle Carole Thibaut
Et cela fait des années que ça dure. Elle nous en parlait en 2013 (voir Les Fantaisies de Carole Thibaut). Et cela fait des années aussi que les femmes écrivent mais ne sont pas sélectionnées ( voir : A Avignon, le théâtre au féminin à l’avant-garde) . Et ce n’était pas mieux en 2015 (voir : Au Festival d’Avignon, les femmes s’évaporent)
Ecoutez le puissant texte de Carole Thibaut
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Ecoutez la carte blanche avec Béatrice Dalle et Virginie Despentes
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Et, parce que c’est pareil au cinéma :
“La” femme et le grand écran : « On finit tous par manger cette évidence qui nous est rabâchée par les décideurs du septième art : les hommes c’est l’action et les femmes c’est la petite culotte ». L’édito décapant de Virginie Despentes