Dans son rapport sur l’Irlande rendu public le 24 juillet, l’Organisation des Nations Unies préconise des actions rapides de la part du gouvernement pour que les droits des femmes du pays s’alignent sur ceux des droits humains internationaux.
Après une audition réalisée les 14 et 15 juillet derniers, le Comité des droits humains des Nations Unies a rendu ses conclusions finales sur l’Irlande. Plusieurs cas abordés concernent les femmes : l’avortement en premier lieu, mais aussi la symphyséotomie, les foyers ‘mère-enfant’ et les violences conjugales.
Ouvrir l’avortement aux victimes de viol et d’inceste
« Le Comité réitère ses préoccupations concernant les conditions très restrictives sous lesquelles les femmes peuvent légalement avorter », écrit le rapport. Car la loi sur l’avortement adoptée en juillet 2013, le Protection of Life During Pregnancy Act, ne prévoit que les situations où la grossesse est menacée par un « risque réel et considérable » pour la vie de la femme enceinte (Voir : IVG en Irlande : avancée et déception). Exemple ? S’il y a un risque de suicide. Pour pouvoir avorter, la personne doit d’abord être examinée par trois médecins. Ce qui revient à de la « torture mentale », estime Yuval Shany, rapporteur sur l’Irlande qui fait partie des expert-e-s du Comité.
Le document indique que l’Etat irlandais devrait “réviser sa législation sur l’avortement, jusque dans sa Constitution, pour envisager des exceptions supplémentaires dans les cas de viol, d’inceste, de risques graves pour la mère ou de malformation du foetus”. L’ONU demande aussi de mettre au clair ce que sous-entend dans la loi un “risque réel et considérable pour la santé de la femme enceinte”, expression jugée trop vague sur le plan légal.
Pas de changement prévu de la loi
Le directeur du Conseil des libertés civiles d’Irlande, Mark Kelly, a approuvé les remarques faites par le Comité des droits de l’homme des Nations Unies : « C’est un échec continuel dans notre loi, notre politique et notre pratique du respect des droits humains, de l’autonomie et de l’intégrité physique des femmes. »
De son côté, le Gouvernement a aussitôt fait savoir qu’aucun référendum sur l’avortement – ce que préconise le rapport – ne sera organisé prochainement. La ministre de la Justice, Frances Fitzgerald, qui a été auditionnée par le Comité, a confirmé que le gouvernement « examinera » le rapport rendu par les Nations Unies. Mais elle a rappelé que « l’Irlande a sa propre position légale et constitutionnelle » sur les questions abordées. C’est-à-dire que le pays en fera ce qu’il voudra.
Seul pays développé à pratiquer la symphyséotomie
Autre question de santé qui concerne les femmes abordée par ce rapport : la symphyséotomie. Cette pratique médicale a eu cours dans les années 1970 mais les conséquences à long terme n’ont été connues qu’au début des années 2000. Sur les quatre rapports de l’ONU adressés au gouvernement irlandais, c’est le premier qui s’intéresse à ce sujet.
La symphyséotomie consiste, lors d’un accouchement, à “couper une des articulations pelviennes”, décrit le rapport du Comité des droits de l’homme. Cette pratique qui date du 18e siècle est revenue en Irlande dans les années 40 pour faciliter les naissances vaginales. A la fin du 20e siècle, l’Irlande était le seul pays développé à le pratiquer. Cela évitait aux médecins de pratiquer des césariennes, méthode interdite par l’Eglise catholique en Irlande.
Ce sont 1 500 filles et femmes qui auraient subi sans le savoir cette opération dans des hôpitaux privés ou publics entre 1944 et 1987, note le rapport. Cet acte chirurgical entraîne des problèmes physiques par la suite. D’après l’association Survivors of Symphysiotomy (Sos) Irlande créée en 2002 (Les survivantes de la symphyséotomie, en français), “environ 200 femmes sont survivantes aujourd’hui, beaucoup d’entre elles sont handicapées, incontinentes et dans la souffrance. La plupart des bébés sont décédés ou étaient touchés au niveau du cerveau, blessés pendant l’acte chirurgical.”
“Il faut prendre davantage de mesures”
Le Comité des droits de l’homme demande de “lancer une enquête indépendante et complète sur la pratique de la symphysiotomie”, de “punir les responsables” de ces actes et de donner des compensations aux victimes. Même si un projet de compensations à titre gracieux a été abordé, “il faut prendre davantage de mesures”. Il est notamment question, selon le média TheJournal.ie, de compensations financières.
Pour la présidente de l’association Sos Irlande, Marie O’Connor, qui a répondu au média, les recommandations de l’ONU sont justes : “Cela justifie totalement notre bataille pour la vérité et la justice. Cela expose l’échec de l’Etat à fournir une solution efficace.”
Manque d’informations sur les maison mères-enfants et les violences
L’ONU s’est penchée sur une autre affaire du passé qui a été révélée au grand public fin mai, les conditions de vie des bébés placés dans les maisons mères-enfants (Voir : Le scandale des bébés « illégitimes » de Tuam, entre passé et présent).
Le Comité pousse l’Etat à agir et regrette “le manque d’investigations complètes et efficaces dans toutes les allégations d’abus, de maltraitances et de négligences faites aux femmes et enfants dans les maisons catholiques fondées par l’Etat dont la plus connue, les blanchisseries Madeleine.”
Le rapport signale également un manque d’informations concernant les violences faites aux femmes car cela « reste un sérieux problème » dans le pays : L’Irlande « devrait prendre plus de mesures législatives ainsi que des mesures policières pour s’assurer que toutes les femmes, en particulier les femmes des groupes marginalisés et vulnérables, ont accès de manière égale à la protection contre les responsables de violence. » Un système de collecte d’informations sur ces violences par la police est encouragé.
Le Chili également pointé du doigt Dans son rapport périodique consacré au Chili, le Comité des droits de l’homme de l’ONU demande au gouvernement chilien d’autoriser l’avortement en cas de viol, d’inceste et lorsque la mère est en danger de mort. Le pays est avec l’Irlande, l’un des seuls pays au monde qui rend l’accès à l’avortement très limité. Selon les chiffres du ministère de la Santé chilien, 150 000 avortements illégaux ont lieu chaque année. Le 25 juillet dernier, 5 000 personnes, d’après l’AFP, ont défilé dans les rues de la capitale Santiago pour acquérir ce droit. La présidente du pays, Michelle Bachelet, avait déjà annoncé en mai dernier son intention de légaliser l’avortement d’ici la fin de l’année mais seulement pour les cas thérapeutiques : lorsque la vie de la mère est en danger ou en cas de malformations foetales. |