Première embûche : Roselyne Bachelot s’oppose vigoureusement à la création d’assistants sexuels pour les handicapés au nom du droit des femmes… Tandis qu’un projet de loi sur le sujet est en gestation. Deuxième embûche : l’augmentation du temps de travail prônée par la majorité -et quelques membres de l’opposition- pénaliserait les femmes. Où l’on comprend que défendre les droits des femmes perturbe bien des habitudes.
« Madame la ministre êtes-vous favorable aux assistants sexuels pour les personnes handicapées ?». Bref silence puis : « J’y suis rigoureusement, totalement, formellement, opposée ». La réponse de Roselyne Bachelot à cette question venue du fond de la salle fut brève et sans appel lors de la conférence de presse annonçant « les orientations du ministère des solidarités et de la cohésion sociale pour 2011 »
Pas facile d’organiser la cohésion sociale ! Car cette position n’est pas cohérente avec celle, notamment, du député UMP Jean-François Chossy qui envisage, avec d’influentes associations de handicapés, de légiférer sur le sujet. Il organisait récemment un colloque « Handicap, Affectivité, sexualité, dignité »… Dignité de qui ? Ce que défend la Ministre en s’opposant à cette mesure, c’est le droit et la dignité des femmes. « Vous ne pensez pas que la Ministre en charge du droit des femmes va souscrire à un truc pareil » a-t-elle simplement ajouté avant de passer à la question suivante.
La brièveté et la fermeté des propos de la ministre en charge à la fois du handicap et de l’égalité hommes /femmes, n’ont pas clos le débat. Interrogé par le JDD, Jean-François Chossy ne lâche rien et affirme que la Ministre pourrait changer d’avis. Pas si sûr. Interviewée sur Europe 1, Roselyne Bachelot a pris plus de précautions oratoires que devant la presse mais elle a réaffirmé ses convictions : une telle pratique serait assimilée à de la prostitution.
Placer les principes au dessus du concours de victimes
Si le problème de la sexualité des personnes handicapées est bien réel et douloureux, la solution des assistants sexuels n’est pas la bonne, souligne la ministre. Qui seront les « assistants sexuels » ? Des assistantes dans la majorité des cas. Et il y a fort à parier que, comme pour la prostitution, les élues seront des femmes qui cumulent des difficultés économiques, sociales, psychologiques… Comme le suggère la ministre sur Europe 1 : quel parent irait pousser son enfant à devenir prostitué ou assistant sexuel ? Verra-t-on un jour « pôle emploi » contraindre des femmes à exercer ce « métier » ?
Un discours difficile à faire passer. Chossy va sans doute attiser la compassion sur la détresse affective et sexuelle bien réelle des handicapés. La ministre aura bien du mal à faire triompher les principes qu’elle défend en se plaçant au dessus de ce qui pourrait être perçu comme un concours de victimes. Mais elle en a vu d’autres et connait très bien la question de l’égalité hommes/femmes. Elle a notamment été la première rapporteure de l’Observatoire de la Parité.
Temps partiels : la faute aux 35 heures ?
Autre question (soulevée par LES NOUVELLES news lors de la conférence de presse) : comment mettre en cohérence l’augmentation du temps de travail qui pénalise les femmes et l’égalité professionnelle pour laquelle Roselyne Bachelot entend se battre ? Prudemment, la ministre renvoie la réflexion à une table ronde sur la situation en emploi des femmes qu’elle doit organiser avec le ministre du Travail Xavier Bertrand. Objectif : traiter notamment la question des temps partiels subis « principalement par les femmes » et des contrats à durée déterminée, entre autres questions sur l’égalité professionnelle. La ministre fait part, au passage, de ses doutes sur la réalité des choix des femmes sur le « temps partiel choisi »…
Mais le débat s’engage déjà : la secrétaire d’État aux Solidarités Marie-Anne Montchamp reproche aux 35 heures d’avoir provoqué du temps partiel pour les femmes dans les PME notamment. Et Roselyne Bachelot d’ajouter : « la fragmentation du temps de travail et la généralisation d’un certain nombre d’emplois à temps partiel ont été générées par le passage aux 35 heures, et ce sont les femmes qui ont payé le prix fort de cela ».
Le phénomène ne semble pas être massif pourtant. Selon le parti socialiste, les 35 heures auraient au contraire limité le temps partiel : la proportion d’emplois à temps partiel est beaucoup plus élevée dans d’autres pays européens (48 % aux Pays-Bas, 28 % en Allemagne et au Royaume- Uni), qu’en France (17 %). C’est notamment lié aux 35 heures qui ont stabilisé le recours au temps partiel en France alors qu’il augmentait dans les autres pays.
Une étude de la DARES qui date de 2002 -peu de temps après l’installation des 35 heures donc- indique : « Dans les entreprises ayant réduit la durée du travail, la part de l’emploi à temps partiel a diminué du fait essentiellement du statut des nouveaux embauchés, qui sont très fréquemment à temps complet, et dans une moindre mesure, à des passages de temps partiel à temps complet. »
Ces données méritent sans doute d’être à nouveau approfondies. Roselyne Bachelot affirme sa volonté d’analyser la politique à travers la question du genre. Aura-t-elle le temps, avant les élections présidentielles, de mettre en œuvre la politique d’égalité professionnelle promise ?