Cette semaine, notre revue de presse du sexisme ordinaire dans les médias s’arrête sur de nouveaux discours renforçant le système prostitutionnel.
Beaucoup de bruit médiatique pour défendre le proxénétisme et la prostitution cette semaine. Au beau milieu de reportages sur la guerre en Ukraine, l’apocalypse climatique, la révolution sévèrement réprimée en Iran, les nouveaux coups portés aux Afghanes… les médias français ont pris du temps, beaucoup de temps, pour porter aux nues un film qui encense la prostitution : « La maison » d’Anissa Bonnefont, adaptation d’un livre d’Emma Becker qui raconte de façon romancée, deux ans de prostitution dans un Bordel à Berlin. Le film reprend -comme le livre il y a deux ans et les médias en écho- tous les clichés sur la prostitution comme l’explique très bien ce billet dans Médiapart : Les fissures de « La maison » ou les contradictions d’Emma Becker. Billet qui a beaucoup moins de retentissement médiatique que n’importe quel discours pro-prostitution.
Oubliés les trafics d’êtres humains, ces femmes arrachées à leur pays, battues, violées, droguées, privées de leurs papiers et vendues par des proxénètes à des hommes considérés comme de « braves types ». Ignorée la prostitution des mineures, ces très jeunes filles vulnérables cueillies par de jeunes proxénètes qui les enferment dans des chambres sordides et vendent leurs corps à des clients (Des protecteurs de ces jeunes victimes expliquaient ici que ce commerce de filles était moins risqué que le trafic de drogue car il n’y a pas à payer la matière première en amont. (Lire : 200 PASSES, 200 VIOLS ? QUAND LA PROSTITUTION DE MINEUR.E.S SORT DE L’OMBRE)
Les plus de 80 % de personnes prostituées de force sont invisibilisées. Dans le récit des médias, les personnes prostituées s’appellent « travailleuses du sexe » et racontent des fables allant de la dévergondée excitée par l’idée d’être violée et de subir des violences, à la figure de l’assistante de vie qui donne un peu de plaisir à des hommes en état de misère sexuelle.
Nombre de journaux livrent une critique du film très éloignée du sujet qu’il traite. Dans Paris-Match, l’actrice du film se raconte sur trois pages. Rien de sordide. On parle de démarche artistique, de direction d’acteurs et d’actrices impeccables… Pas de place pour dénoncer l’objectification des êtres humains ou la violence de la prostitution… tout juste concède-t-elle quelques inconvénients : quand elle a sur elle « les odeurs de cinq corps différents » ou le fait qu’elle ne veuille pas que son père voie le film…
Sur France2 mardi 15 novembre, un plateau télé réunissait autour de l’autrice du roman qui a inspiré le film, une brochette de militant.es de la prostitution et du proxénétisme. Seule une mère ayant sauvé sa fille préadolescente d’un trafic de jeunes proxénètes pouvait apporter une voix dissonante mais elle a d’emblée affirmé que le cas de sa fille était différent de celui des personnes présentes sur le plateau. Cette minorité de prostituées qui se disent contentes de leur sort et veulent l’abolition de la loi de 2016 de lutte contre le système prostitutionnel. (La séquence ici commence à 1h45).
Puis, un féminicide commis par un « client » sur une personne prostituée a été rapporté dans la presse. Et, une nouvelle fois, beaucoup de militant.es de la prostitution mais aussi de femmes et d’hommes politiques ont mis en cause, non pas le criminel mais la loi de lutte contre le système prostitutionnel de 2016, une loi qui veut protéger les victimes du système mais dont l’application se heurte à un manque de moyens.
Lire : LA LOI DE LUTTE CONTRE LE SYSTÈME PROSTITUTIONNEL : SIX ANS APRÈS
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