Chronique Ciné. Comédie charmante et intelligente, « Charlotte a 17 ans » revisite les jeux de l’amour et du hasard entre les jeunes employés d’un magasin de jouets québécois.
On n’est pas sérieux quand on a 17 ans. Et surtout Charlotte, jeune québécoise qui aime traîner, boire et danser avec ses deux amies. Pourtant, la rupture avec son amoureux la met à terre. Elle entraîne alors ses copines pour travailler dans un grand magasin de jouets, avant les fêtes de Noël. Magasin où leurs collègues hommes sont nombreux, beaux et accueillants. Les voici embarquées dans un jeu de l’amour et du hasard version post #MeToo. Aube est romantique et vierge, Mégane politisée et révoltée, Charlotte … libre et gourmande. Mais sa liberté sexuelle l’étiquette vite en « fille facile », ou plus précisément en « salope ». Et l’éloigne des autres filles, y compris ses amies. Peut-on être une « salope dans le bon sens du terme » se demandent les trois copines ? Charlotte parviendra à rassembler toutes les vendeuses de jouets pour une abstinence sexuelle générale, grève façon Aristophane au XXIème siècle. Ce mouvement des filles pour « reprendre le pouvoir dans le pacte affectif » permet de se pencher avec tout le sérieux de l’adolescence sur l’inégalité de base entre l’homme qui couche avec toutes (le Dom Juan) et la femme qui en fait de même (la salope). Une réflexion d’autant plus intéressante qu’elle se déroule au Québec, pays féministe avant l’heure et très avancé sur ces questions. Maligne et rafraîchissante, cette comédie fait également la part belle aux garçons qui, face à la liberté sexuelle féminine, sont à la fois compréhensifs (ils savent ce qu’ils ont à y gagner) et presque étonnés de la persistance des différences de jugement qu’ils véhiculent eux-mêmes.
Les histoires de cœur (et de cul) des jeunes filles ont toujours intéressé le cinéma, la sexualité adolescente aussi, mais le regard féminin sur cette époque de la vie est rare et précieux ( Diabolo menthe de Diane Kurys, ou plus récemment Naissance des pieuvres de Céline Sciamma). Charlotte a le fun (titre original lors de sa sortie au Québec) est signé par une cinéaste, écrit avec une scénariste, et ce double regard donne au film toute sa pertinence. Elles ont choisi de donner à ce teen movie un aspect intemporel et universel grâce au choix du noir et blanc, à la quasi absence des smart phones, et enfin à la présence pour une partie de la bande-son, de la Callas… qui chante pour Charlotte L’amour est enfant de bohème…
« Charlotte a 17 ans » de Sophie Lorain, avec Marguerite Bouchard, Rose Adam et Romane Denis (Canada, 1h30)
Ce qu’en disent la réalisatrice et sa scénariste
Sophie Lorain (réalisatrice) et Catherine Léger (scénariste) ne sont pas des inconnues au Québec. C’est le deuxième film de la cinéaste qui est également productrice, notamment de la série Les invisibles. La scénariste Catherine Léger travaille aussi au scénario de cette adaptation de la série française 10%,.
Sophie Lorain : « Ce film ce n’est pas Charlotte versus les gars, c’est Charlotte versus la pression sociale qui demande aux filles d’être toujours parfaitement séduisantes mais sages. »
Catherine Léger : « Il y a très peu de films qui abordent la sexualité du point de vue des filles alors que l’on a vu des tonnes d’histoires de gars qui cherchent à perdre leur virginité ».
Sophie Lorain : « Le message de la Callas à Charlotte c’est qu’il ne faut pas trop s’en faire, le désir et l’amour sont dans la nature même des choses de la vie, et que cette nature est bien plus forte que nous.»