L’opinion se dit favorable à l’égalité des sexes mais considère qu’une bonne mère doit sacrifier son parcours professionnel, selon un sondage Ipsos pour le women’s forum
« Vous ne pouvez pas tout avoir, si vous voulez être un bon père, vous devez accepter de sacrifier en partie votre carrière professionnelle » ? La réponse est dans la question qui n’est pas posée. Car cette question n’a pas été posée par le sondage réalisé par Ipsos à l’occasion du rassemblement 100% digital du Women’s Forum. Elle n’est pas posée habituellement dans de telles enquêtes. Un stéréotype dans les enquêtes sur les stéréotypes.
En revanche l’affirmation « Vous ne pouvez pas tout avoir, si vous voulez être une bonne mère, vous devez accepter de sacrifier en partie votre carrière professionnelle » a été soumise aux sondé.es. Elle obtient 53% d’approbation de la part des personnes interrogées. Et, pour 70% d’entre elles, « il est plus difficile pour une femme que pour un homme d’avoir une belle carrière car elle doit accepter de sacrifier en partie sa vie de famille. »
Pour faire un point sur les inégalités entre femmes et hommes et le risque d’aggravation de ces inégalités avec la crise sanitaire, le sondage a interrogé 500 personnes dans chaque pays du G7 (France, RoyaumeUni, États-Unis, Allemagne, Italie, Japon, Canada) soit 3500 personnes fin août. Ces pays comptant pour 62 % des richesses du monde sont supposés orienter les mentalités.
En dépit de déclarations d’amour à l’égalité professionnelle (plus de 90 % des sondé.es disent qu’il faut bouger), il en ressort clairement que les femmes sont davantage affectées dans leur vie professionnelle que les hommes parce que la charge mentale de la réorganisation de la vie dans les foyers, consécutive à la pandémie, pèse sur elles.
Fausses évidences
Elles sont plus anxieuses, s’occupent moins d’elles-mêmes et davantage des autres. 73% des femmes disent avoir peur de l’avenir contre 63% des hommes. 59% des femmes ont connu une situation de burn-out, d’anxiété ou de dépression contre 46% des hommes. Mais 49% disent ne pas prendre assez de temps pour s’assurer d’être en bonne santé contre 43% des hommes. En revanche, elles en font plus pour aider les personnes fragiles qui les entourent : 46 % contre 40% des hommes.
Ce travail de sape de fausses évidences enjoignant les femmes de prendre en charge la vie du foyer a des effets délétères sur la vie professionnelle des femmes. 46% d’entre elles déclarent ne pas avoir cherché à avoir de nouvelles responsabilités professionnelles de peur de ne pas avoir assez de temps pour tout faire, contre 32% pour les hommes. Et 43% estiment qu’elles n’ont pas la capacité d’assumer un poste à responsabilité contre 35% des hommes.
Le sondage souligne aussi l’essentialisation des femmes auxquelles on prête des qualités qui n’ont rien à voir avec le sexe. 73 % des personnes interrogées considèrent que les femmes sont plus « intuitives » que les hommes par exemple. Pire : 80 % des femmes le pensent contre 66 % des hommes. Dans « Le dictionnaire Iconoclaste du féminin* », nous expliquions que l’intuition est la qualité des dominé.es. Avoir de l’intuition c’est anticiper le désir de l’autre. L’esclave anticipe les désirs du maître pour échapper aux sanctions. Cela demande beaucoup d’entrainement : écouter, se mettre à la disposition de l’autre. Ce n’est pas une qualité essentielle de chef, de décideur.
Comme elles placent haut les exigences vis-à-vis d’elles-mêmes tant dans la sphère privée qu’au travail, les femmes ne se trouvent jamais à la hauteur. 43% disent perdre confiance en elles depuis le début de la pandémie contre 33% pour les hommes.
Pourquoi un tel niveau d’exigence ? Parce que les stéréotypes ambiants impriment dans l’inconscient collectif de fortes attentes vis-à-vis des femmes. Et ces stéréotypes sont parfois renforcés par les questions posées dans ce genre de sondage. Et si les sondages posaient des questions culpabilisantes aux hommes sur la charge mentale en période de crise sanitaire ?
*Dictionnaire iconoclaste du féminin – pour en finir avec les clichés. Annie Batlle Isabelle Germain , Jeanne Tardieu. Ed Bourin.