La section française d’Amnesty International émet ses « fortes réserves » sur la résolution adoptée par le Conseil international de l’ONG. Elle se met en retrait des débats sur la prostitution en France.
Amnesty International a adopté, mardi 11 août, sa résolution controversée sur la prostitution. Après cinq jours de débats, une large majorité des délégués au Conseil international de l’ONG de défense des droits humains a voté pour ce texte (ici en anglais) qui appelle à la « dépénalisation totale de tous les aspects du travail du sexe lorsqu’il est consenti ». Sur cette base, le Bureau exécutif international d’Amnesty doit élaborer une ligne de conduite plus détaillée.
« Nous reconnaissons que cette importante question de droits humains est extrêmement complexe, et c’est pourquoi nous l’avons abordée sous l’angle des normes internationales relatives aux droits humains », a expliqué le secrétaire général de l’organisation, Salil Shetty. « Les travailleurs et travailleuses du sexe constituent l’un des groupes de personnes les plus marginalisés au monde et sont, dans la plupart des cas, constamment confrontés au risque de subir des discriminations, des violences et des atteintes à leurs droits fondamentaux ».
Mais cette prise de position provoque de vives critiques. Plusieurs organisations, au travers de cette pétition sur le site Change.org, ou encore en France de cette tribune, accusent l’ONG de « protéger les proxénètes ». Ce dont se défend Amnesty International, en expliquant que sa résolution condamne toute forme d’exploitation.
Les « nombreuses interrogations » d’Amnesty France
Même si le texte a été adopté à une large majorité, le débat reste vif au sein même de l’ONG. La section française d’Amnesty International, exprime ainsi ses « fortes réserves ». Elle rappelle que l’Assemblée générale d’Amnesty International France avait adopté en 2014 « une décision en défaveur de la proposition ».
Certes, note Amnesty International France, « la section française partage pleinement la conviction qu’il est nécessaire de décriminaliser les personnes en situation de prostitution ». Mais elle « conserve de nombreuses interrogations sur l’efficacité et l’impact potentiel d’autres dimensions de la politique adoptée aujourd’hui, notamment la notion de ‘libre choix’, et la pertinence de dépénaliser l’ensemble des acteurs du secteur ».
Dès lors, Amnesty International France préfère se mettre en retrait : elle « ne prendra pas part dans les débats sur la prostitution en France ».
Un débat qui se poursuivra dans les prochain mois, avec l’examen en deuxième lecture de la proposition de loi « renforçant la lutte contre le système prostitutionnel », qui prévoit entre autres de pénaliser (ou « responsabiliser ») les clients. Mais aussi de mettre fin au délit de racolage, qui à l’heure actuelle criminalise les personnes prostituées.
La résolution d’Amnesty International souligne de toute façon que « les Etats peuvent imposer des restrictions légitimes à la vente de services sexuels, tant que ces restrictions ne portent pas atteinte aux droits humains ».
Voir notre DOSSIER : Prostitution… vers l’abolition ?