L’égalité réelle ne peut passer que par des politiques sociales élaborées selon une perspective de genre et des politiques macroéconomiques reposant sur les droits des femmes, insiste l’entité de l’ONU pour les droits des femmes. Démonstration.
Pour concrétiser l’égalité de genre, il n’y a pas d’autre solution que développer une « nouvelle politique économique ». C’est le message ambitieux d’ONU Femmes dans son rapport intitulé « Le progrès des femmes dans le monde 2015-2016 : Transformer les économies, réaliser les droits », publié lundi 27 avril.
Depuis la Conférence mondiale sur les femmes à Pékin, il y a 20 ans, beaucoup de sociétés ont réalisé des progrès significatifs, particulièrement dans le domaine des droits juridiques des femmes, relève le rapport. Mais il souligne aussi que ces avancées en droit sont loin de s’être concrétisées dans l’économie réelle. Notant par exemple qu’à « une époque de richesses mondiales sans précédent, des millions de femmes sont encore reléguées à des emplois peu rémunérés. »
Il rappelle que dans les régions en développement, jusqu’à 95 % des emplois occupés par les femmes relèvent du secteur informel, ne sont pas protégés par les lois sur le travail et ne bénéficient pas de protection sociale.
Travail, stéréotypes, violence
Mais le rapport ne se contente pas de constats. Il va plus loin en appelant à développer un « nouveau paradigme économique » dont le cœur serait l’égalité de genre. Une économie où « le travail accompli par les femmes serait respecté et valorisé ; les stéréotypes sur ce que les femmes et les hommes peuvent faire et sur ce qu’ils font seraient éliminés ; et les femmes pourraient travailler et vivre leur vie sans violence et sans harcèlement sexuel. »
« Le nouveau programme économique que promeut ONU Femmes n’est pas une chimère » Shahra Razavi |
Cette nouvelle économie doit permettre de créer un « cercle vertueux » en agissant dans trois domaines prioritaires : des emplois décents pour les femmes, des politiques sociales ayant une perspective de genre et des politiques macroéconomiques reposant sur les droits des femmes.
Emploi, protection sociale, indicateurs de richesse
Permettre aux femmes d’accéder à des emplois décents, c’est aussi « combattre la dévalorisation persistante du travail des femmes. Et avoir en tête que « le travail rémunéré peut constituer l’un des fondements de l’égalité réelle des femmes, mais uniquement lorsqu’il est compatible avec un partage entre les femmes et les hommes des responsabilités liées aux soins non rémunérés ». Responsabilités que les femmes, en moyenne, prennent en charge 2,5 fois plus que les hommes.
Cette approche est le premier des trois grands principes pour parvenir à une égalité de fait. Le second, c’est la nécessité d’une protection sociale universelle – en matière de santé, mais aussi de pensions. Seule 27% de la population mondiale a accès à une protection sociale totale, et « les femmes sont sur-représentées parmi les personnes qui n’en bénéficient pas ». Les politiques sociales doivent donc être conçues « autour des droits des femmes », souligne le rapport.
Troisième principe : des politiques macroéconomiques qui prennent en considération les personnes avant l’argent. « Les gouvernements doivent dépasser les mesures traditionnelles de croissance du PIB et d’inflation faible, et plutôt mesurer la réussite en termes de réalisation des droits humains », insiste le rapport.
« Le nouveau programme économique que promeut ONU Femmes n’est pas une chimère », insiste Shahra Razavi, responsable de la section Recherches et données d’ONU Femmes et auteure principale du rapport. « Beaucoup de pays, y compris les pays en développement à faible revenu, sont déjà en train de mettre en œuvre les éléments de ce programme ». Entre autres exemples, le rapport cite le Cambodge, le Costa Rica, Maurice ou le Sri Lanka, qui ont réduit leurs dépenses militaires et de sécurité pour mieux financer la protection sociale.
Récemment, à l’occasion du 8 mars, ONU Femmes lançait un appel pour que les inégalités de genre ne soient plus qu’un souvenir en 2030. Ce qui, notait cet appel, « implique des investissements significatifs et accrus en faveur de l’égalité des sexes », une approche sensible au genre dans les budgets… et la responsabilité des dirigeants à l’égard de leurs promesses.
> Voir : Égalité : ONU Femmes ne veut plus attendre
Pour aller plus loin :
> Le site (en anglais) consacré au rapport
Photo : UN Women/Ryan Brown. Evenement « Ring the bell for gender equality », le 9 mars 2015 au Nasdaq, New York.