Du lycée aux formations post-bac, les filles restent minoritaires dans les filières scientifiques. En lançant son programme “Filles et Maths”, Élisabeth Borne a pour ambition de mettre fin aux biais genrés lors de l’orientation, et ce dès la primaire.
À peine 25 % des étudiants dans les formations aux métiers d’ingénieurs et du numérique sont des filles. Dès le lycée, elles sont moins nombreuses à s’orienter dans les filières mathématiques. Le 7 mai 2025, la ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Élisabeth Borne a lancé le plan « Filles et Maths » afin de favoriser la féminisation de ce secteur.
Prendre le mal à la racine carrée
Il y a une véritable nécessité à renforcer la place des filles dans les cursus scientifiques. C’est à partir de ce constat qu’un rapport avait été mené conjointement par l’inspection générale des finances (IGF) et l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR).
Première observation : les stéréotypes de genre influent sur l’orientation. « Les biais et les stéréotypes ne reculent pas, voire se renforcent dans la société. On constate au fur et à mesure de la scolarité que le goût des filles pour les maths baisse par rapport aux garçons. L’objectif est d’éviter de reproduire ces stéréotypes », alerte Élisabeth Borne au micro de France Inter mercredi 7 mai. Le deuxième pilier du plan « Filles et Maths » d’Élisabeth Borne repose sur une nécessaire formation des professionnels de l’Éducation nationale. « Les filles ont moins confiance en elles, moins confiance en elles dans les maths, donc elles lèvent moins la main. Si on n’est pas attentif à ça, on interroge tout le temps les garçons, on envoie les garçons au tableau et pas les filles. Dans les appréciations, les filles on leur dit qu’elles sont consciencieuses et les garçons brillants », détaille la ministre qui envisage l’accrochage d’une charte en salle des professeurs afin de renforcer l’attention portée à ces comportements inconsciemment genrés.
En prenant le mal à la racine, dès la primaire comme le souhaite la ministre, l’orientation des filles les filières mathématiques pourra, au fil du temps, augmenter et leur ouvrir davantage de perspectives professionnelles mieux rémunérées. C’est en tout cas l’ambition de ce programme.
La parité, l’équation impossible ?
Au-delà des stéréotypes de genre, le manque de modèle féminin impacte fortement l’orientation des jeunes filles. Élisabeth Borne rapporte d’ailleurs que de nombreuses élèves lui ont fait part de leur découragement lorsqu’elles sont confrontées à des formations majoritairement masculines, aussi bien du côté des étudiants que des professeurs, eux aussi, en grande majorité, des hommes. Comment se projeter dans ces filières alors que les femmes restent des exceptions ? Le Prix Nobel de physique n’a été attribué qu’à cinq femmes depuis 1901 : Marie Curie (1903), Maria Goeppert Mayer (1963), Donna Strickland (2018), Andrea Ghez (2020) et Anne L’Huillier (2023). Cette dernière espérait alors « que cela va inspirer les jeunes à faire de la physique et de la recherche, et surtout les jeunes femmes ». (Lire : Anne L’Huillier, cinquième femme Prix Nobel de physique depuis 1901)
À cela s’ajoute un recul de l’apprentissage des mathématiques et d’un écart entre les filles et les garçons accentué par la réforme du lycée mise en place en 2019 par le ministre de l’Education Jean-Michel Blanquer. Depuis cette réforme, les lycéen.nes doivent choisir trois spécialités en première et deux en terminale. Très souvent les mathématiques étaient abandonnées, surtout par les filles. Résultat : près de 40 % des élèves ne faisaient plus de mathématiques en terminale. « Alors que la part des filles en terminale S progressait régulièrement depuis 1994, la part des filles dans l’enseignement de spécialité mathématiques en terminale est redescendu au-dessous du niveau de 1994, chutant de près de 8 points après 2 ans de mise en place de la réforme », alertaient en 2022 les sociétés savantes et associations de mathématiques dans un communiqué publié sur le site de Femmes et Mathématiques. Face aux effets négatifs de la réforme, le ministre de l’Éducation nationale de l’époque, Pap Ndiaye, rétropédalait en annonçant finalement le retour d’un enseignement « obligatoire » des mathématiques en classe de première de filière générale, dès la rentrée 2023. (Lire : Echec en maths : la réforme du lycée creuse les inégalités et Retour des mathématiques au lycée : bon pour les filles)
Afin d’ouvrir les horizons des jeunes filles et susciter des vocations, Élisabeth Borne annonce la création de classes aménagées maths et sciences au collège, en 4e et 3e. Cette mesure sera dans un premier temps expérimentée sur cinq Académies (Amiens, Bordeaux, Martinique, Nancy-Metz et Normandie). Sans employer directement le terme de quotas, la ministre précise que ces nouvelles classes accueilleront 50% de filles. Second objectif : 20% de filles dans les classes prépa scientifiques dès la rentrée 2026 puis 30% en 2030. Cette nouvelle initiative vient aussi répondre à une pénurie de professionnel.le.s dans les métiers scientifiques en France : « [L’absence de filles dans ces filières] est aussi un problème pour notre pays parce qu’on ne forme pas assez d’ingénieurs et de techniciens. On sait qu’il manque plus de 20.000 ingénieurs chaque année et 60.000 techniciens, insiste La ministre, avant de conclure : L’idée est bien d’avoir plus de filles et pas moins de garçons ».
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