Entre menaces, violences et empêchements divers, à peine arrivées à la table du pouvoir, beaucoup de femmes renoncent. Après la bataille pour les places, une bataille culturelle doit s’engager.
Politique, économie, sport… les femmes ont péniblement conquis quelques strapontins dans les cénacles du pouvoir et les voici qui partent déjà ! La lettre du Bénélux publiée aujourd’hui dans Le Monde dresse une liste impressionnante de « députées, ministres et secrétaires d’Etat de tous partis » qui « démissionnent ou renoncent à de nouveaux mandats. » Aux Pays-Bas, « l’actuelle vice-première ministre et ministre des finances, Sigrid Kaag, une libérale démocrate membre du parti D66, quitte l’univers impitoyable de la politique. Les diverses menaces dont elle a été l’objet ont tellement alarmé ses filles, qui craignaient pour sa vie, qu’elle a décidé de jeter l’éponge. » écrit Jean-Pierre Stroobants, le correspondant du quotidien de référence à Bruxelles, avant de dresser une longue liste de femmes responsables politiques qui jettent l’éponge au Pays-Bas et en Belgique soit parce qu’elles ont reçu des menaces soit parce qu’elles éprouvent un sentiment d’impuissance à mettre en œuvre la politique pour laquelle elles ont été élues. Deux raisons à cette impuissance. Elles ne maîtrisent pas ou n’ont pas envie de se plier aux codes du pouvoir, qui sont des codes masculins. Et elles font les frais d’un « double standard » : les femmes sont jugées plus durement que les hommes dans les lieux traditionnellement masculins.
Ces dirigeantes du Benelux allongent la liste des dirigeantes politiques qui renoncent. En avril dernier, la très jeune Première ministre finlandaise Sanna Marin, battu lors des élections législatives, annonçait qu’elle allait probablement quitter la politique.
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Elle était la troisième femme, dirigeante d’un pays à prendre une telle décision quand les dirigeants hommes ont plutôt l’habitude de s’accrocher au pouvoir. La néo-zélandaise Jacinda Ardern et l’Ecossaise Nicola Sturgeon, qui avait dit stop peu de temps avant Sanna Marin, expliquaient leur renoncement par l’usure, la fatigue causées par de telles responsabilités et plaidaient être des « êtres humains ».
Lire : « Je suis un être humain », Jacinda Ardern, Première ministre néo-zélandaise, démissionne. Et Nicola Sturgeon, Première ministre d’Écosse démissionne
Toutes évoquaient la dureté du milieu et la conception viriliste du pouvoir qu’elles jugeaient intenable. Jacinda Ardern cependant se disait épuisée mais se montrait satisfaite d’avoir pu démontrer qu’on pouvait exercer le pouvoir autrement. L’exercer sans afficher une assurance sans faille et en écoutant vraiment les autres. Elle invitait ses successeurs à faire de même.
A cette conception différente du pouvoir s’ajoutaient des agressions verbales, menaces et jugements biaisés, pétris de sexisme, dont les femmes sont victimes tandis que les hommes y échappent.
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En France, des femmes politiques ont même créé un prix ironique pour dénoncer ce phénomène
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En entreprise, les femmes aussi se lèvent et s’en vont pour des raisons assez semblables. Une étude intitulée « la grande démission des femmes » le constate. Les femmes managers subissent des micro-agressions dévalorisantes, comme la remise en question de leurs avis, la non prise en compte de leurs idées ou le fait d’être infantilisées. Mais en plus, elles font davantage d’efforts que les hommes pour le bien-être des employé·es, ce qui leur est demandé par les entreprises… et ce travail n’est pas reconnu.
Après avoir mené la bataille des places pour accéder à la table du pouvoir, les femmes doivent mener une bataille culturelle pour exercer autrement le pouvoir. Vaste programme !…
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