Dans les manuels d’EMC les femmes sont sous-représentées et les stéréotypes sont de mise, relève la dernière étude du Centre Hubertine-Auclert. Mais, depuis la première étude portant sur les manuels d’Histoire, en 2011, il y a des progrès visibles.
Enfin, le verre est à moitié plein. L’étude menée par le Centre Hubertine-Auclert sur l’égalité femmes/hommes dans les manuels scolaires d’enseignement moral et civique (EMC), dévoilée mardi 16 janvier, donne des raisons d’espérer.
C’est, depuis 2011, la cinquième étude sur la représentation des femmes dans les manuels scolaires que mène le Centre francilien pour l’égalité, et « c’est la première fois qu’on a des bonnes nouvelles », commente sa chargée de mission Éducation, Amandine Berton-Schmitt, à la baguette de ces travaux. En effet, dans les manuels d’EMC, « les parties consacrées à l’égalité femmes/hommes sont intéressantes », estime le Centre Hubertine-Auclert. Mais tout n’est pas rose pour autant : les femmes et les hommes sont encore représentés de manière très déséquilibrée.
Commençons par les mauvaises notes : en matière de représentation genrée de l’engagement professionnel, politique et citoyen, « la réalité reste déformée ». Globalement, dans les 25 manuels (de la 5ème à la Terminale) étudiés, les femmes ne comptent que pour 32% des personnages dont on connaît le sexe. Par ailleurs, « de façon assez conforme à ce qu’ont observé de précédentes études », note Amandine Berton-Schmitt, il est plus aisé de représenter de manière égalitaire les enfants (45% de filles) que les adultes (29% de femmes).
Comme au cinéma, par exemple, les femmes s’effacent donc avec l’âge. Et avec la notoriété. « Sur ce point, on peut faire le lien avec les études sur les médias », relève Amandine Berton-Schmitt : elles sont plus nombreuses en tant qu’anonymes, moins nombreuses en tant qu’expertes. Si elles sont 39% des personnes dans la sphère domestique, la sphère professionnelle n’est composée qu’à 19% de femmes. Dans le domaine du droit, 22% seulement sont des femmes (et plus souvent jurées que professionnelles), elles sont 26% dans le scolaire, là encore en décalage flagrant avec la réalité.
Encore une statistique « marquante » : dans ces manuels d’EMC, les femmes ne représentent que 15% des effectifs relevant du champ politique. Et encore, c’est une allégorie qui est la « femme » la plus représentée dans ce champ : Marianne. Sans compter qu’elle est parfois « un support facile à stéréotypes », souligne Amandine Berton-Schmitt.
L’étude regrette par ailleurs des « usages stéréotypés du numérique », alors que « l’éducation au numérique occupe une place importante dans ces programmes ». Ainsi les filles sont, bien plus souvent que les garçons, présentées comme de mauvaises utilisatrices ; et davantage représentées comme étant malveillantes sur les réseaux sociaux.
« Les choses bougent »
Il est temps de passer aux bons points. Dans ces manuels, la conquête et l’exercice des droits des femmes est présentée de manière « satisfaisante », estime l’étude. Par exemple, des frises qui reviennent sur l’acquisition des droits en général intègrent plusieurs dates sur les droits des femmes. Et aucun manuel n’omet de distinguer le suffrage « universel masculin » du suffrage universel, alors qu’en 2011, dans les manuels d’Histoire, « il y avait encore quelques récalcitrants », note Amandine Berton-Schmitt.
L’étude relève aussi des « approches intéressantes » pour évoquer les droits des femmes, les discriminations et le sexisme, au point que le centre a « assez peu de réserves » à émettre, si ce n’est que les définitions sont souvent incomplètes. « Les pages sont plutôt bien construites et problématisées », et Amandine Berton-Schmitt ne boude pas son plaisir en relevant une double page consacrée à Hubertine Auclert et son combat pour le droit de vote des femmes. « Sa présence, ou celle de Rosa Parks, n’allait pas de soi il y a quelques années encore ».
« Les choses bougent », constate donc la chargée de mission égalité. Et elles ont bougé au fil de ces cinq études réalisées depuis 2011, avec un tournant en 2015 autour de celle, particulièrement frappante, qui portait sur les manuels de CP.
Voir : Manuels scolaires : papa, maman et leurs petits stéréotypes
Cette étude « a suscité un intérêt particulier des médias et de l’opinion publique, et a donc poussé les éditeurs à s’interroger », juge Amandine Berton-Schmitt. Au point que l’un d’eux (Nathan en l’occurrence), s’est tourné vers le Centre pour qu’il lui propose des visuels moins stéréotypés.
C’est l’occasion de rappeler que l »Éducation nationale n’intervient pas directement dans les contenus des manuels. Mais « quand les programmes sont prescripteurs, ce qui est le cas de l’EMC, les éditeurs s’y conforment, et c’est plutôt bien fait », conclut Clémence Pajot, la directrice du Centre Hubertine-Auclert. « D’où l’importance de la définition des programmes en amont des manuels. Si, par exemple, les programmes d’Histoire insistaient sur le rôle des femmes, les manuels progresseraient encore davantage ».
Nos articles sur les précédentes études :
Moins de 5% de femmes dans l’Histoire
Femmes de lettres invisibles dans les manuels scolaire
Manuels scolaires : papa, maman et leurs petits stéréotypes