13 % victimes d’agression sexuelle dans le cadre de leur travail, 67 % victimes de propos sexistes… Une enquête révèle l’ampleur d’un phénomène que les médias ont voulu taire jusqu’ici.
Il y a quelques jours, nous écrivions que les tristes sires de la #LigueDuLol, sanctionnés par leur hiérarchie n’étaient que des lampistes qui payaient pour beaucoup d’autres pratiquant le harcèlement sexuel et sexiste dans le huis clos des rédactions bien avant l’existence des réseaux sociaux.
Confirmation avec cette enquête de trois réseaux de femmes journalistes : Prenons la une, Nous toutes et Paye ton journal. Sur le site Entendu à la rédac, ces journalistes ont lancé en ligne un appel à témoignages pour « mesurer l’ampleur des violences sexistes et sexuelles subies au travail par les journalistes dans le monde des médias. » Ces témoignages étaient anonymes.
En 10 jours, elles ont obtenu 1 837 réponses provenant de 1566 journalistes ou salarié.e.s d’un média et 271 étudiant.e.s en journalisme.école de journalisme. Plus de 3000 faits de violences sexistes et sexuelles ont été rapportés provenant de 200 rédactions dans la France entière. Sur le site, défilent les logos des titres de médias concernés… Des plus anciens aux plus récents « pure players », des petites rédactions locales aux grandes chaînes nationales, tous sont concernés ! Mais l’omerta est levée, enfin. Dès ce jeudi matin, date de sortie de l’enquête beaucoup de journaux en ont parlé. France Inter, par exemple, a consacré l’ouverture du journal de huit heures à l’étude et Le Monde publiait un sujet sur son site dès potron-minet.
L’ampleur du sexisme
13 % : c’est le chiffre des personnes ayant subi des agressions sexuelles au sein des rédactions rapportées dans ces témoignages. 49 % des répondant.e.s ont entendu des propos à connotation sexuelle et 67 % victimes de propos sexistes. Tous les médias sont concernés mais les journalistes travaillant à la télévision sont plus exposés que les autres. Plus exposées aussi, les femmes dont l’apparence peut laisser supposer qu’elles sont d’origine étrangère : 64 % d’entre elles subissent des propos à connotation sexuelle contre 49 % pour l’ensemble des répondant.e.s. Racistes, les courageux agresseurs s’attaquent aussi aux plus précaires : l’enquête note que les pigistes sont plus exposé.e.s que les salarié.e.s en CDI ou CDD : 22 % sont souvent confronté.e.s à des propos à connotation sexuelle contre 14 % des salarié.e.s.e. en CDI ou CDD.
Dénoncer à la direction ou aux RH ces faits contraires à la loi ? 83 % ne le font pas. Et quand bien même. 66 % de celles qui l’ont fait, ont constaté que cela n’avait aucun effet. Notre expérience dans d’autres rédactions que Les Nouvelles News montre que cela a même eu un effet délétère : la victime s’est retrouvée tricarde dans sa rédaction.
Et tout cela ne semble pas s’arranger. Dans les écoles de journalisme, 62% des étudiantes disent avoir été témoin ou victime de propos sexistes dans leur école et 28% témoin ou victime de propos à connotation sexuelle. 10% des étudiantes en école de journalisme disent avoir été victimes d’agression sexuelle dans le cadre de leurs études ou de stages.
Depuis l’affaire de la ligue du Lol cependant, quelques agresseurs ont été sanctionnés et des affaires commencent à sortir. Suite à une plaine collective diffusée sur Facebook, Le Monde a mis à pied à titre conservatoire un de ses journalistes accusé de « harcèlement sexuel » et « violences psychologiques ». Les directions des journaux ne peuvent plus faire semblant de ne pas voir.