Alors que l’Assemblée nationale s’apprête à examiner la création d’un délit d’entrave numérique à l’IVG, pour contrer les sites internet trompeurs, la Conférence des évêques de France crie à la censure.
C’est un débat particulièrement tendu qui s’annonce, jeudi 1er décembre à l’Assemblée nationale. Les député.e.s examineront la proposition de loi visant à créer un délit d’entrave numérique à l’IVG.
Quarante ans après l’adoption de la loi Veil, le sujet continue donc de créer des frictions. D’abord entre parlementaires, mais aussi avec l’Église qui vient s’en mêler.
Dans une lettre rendue publique lundi 28 novembre, le Président de la Conférence des évêques de France, Mgr Georges Pontier, demande au Président de la République de ne pas laisser « une telle mesure arriver à son terme. »
Le délit d’entrave à l’IVG, qui concerne déjà les actions physiques, est passible de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. La proposition de loi vise à étendre ce délit aux sites internet diffusant « des allégations, indications de nature à induire intentionnellement en erreur, dans un but dissuasif, sur les caractéristiques ou les conséquences médicales d’une interruption volontaire de grossesse ». Des sites très actifs depuis quelques années.
Un an plus tôt, en octobre 2015, la Conférence des évêques de France était montée au créneau contre une campagne gouvernementale d’information sur l’IVG, s’attirant les foudres d’associations féministes. Celles-ci jugeaient « inadmissible que les évêques de France se permettent de remettre en cause la liberté d’information sur un droit fondamental alors même que des groupes catholiques anti-IVG parasitent les recherches d’informations objectives sur l’accès à l’IVG en les détournant vers des sites intégristes ». La boucle est donc bouclée.
Postures militantes
Selon l’archevêque de Marseille, la loi étendant à internet le délit d’entrave rendrait l’avortement « de moins en moins ‘volontaire’, c’est-à-dire de moins en moins libre. Surtout, elle constituerait, malgré ce qu’affirment ses dépositaires, un précédent grave de limitation de la liberté d’expression sur internet. » Une critique déjà formulée à plusieurs reprises par des élu.e.s de droite et par les groupes anti-IVG qui crient à la censure.
L’accusation de « limitation de la liberté d’expression » est fermement rejetée à gauche. « Être hostile à l’IVG relève de la liberté d’opinion, mais tromper des jeunes filles, c’est un délit », assène la ministre des Droits des femmes.
« Un sujet si grave ne peut être enfermé dans des postures militantes », écrit le président de la Conférence des évêques de France, accusant les partisan.e.s de la proposition de loi de « vouloir exclure toute alternative à l’avortement ». Il s’agit au contraire de combattre les postures militantes de sites qui cherchent à exclure tout recours à l’avortement, répondent en retour les partisan.e.s du texte.
« Ces sites, qui se présentent comme des espaces d’information et de renseignement sur l’IVG, propagent des messages visant à empêcher coûte que coûte une femme d’avorter, par des mécanismes de culpabilisation ou par la diffusion de pseudo données scientifiques qui n’ont aucun fondement », insiste Osez le Féminisme ! L’association a lancé une pétition et une campagne d’interpellation des député.e.s au sujet de cette proposition de loi. « Ces sites pratiquent donc une pression psychologique sur des femmes en quête d’information. Il ne s’agit pas de liberté d’expression, comme nous avons pu l’entendre, mais bien d’une volonté manifeste de nuire au droit fondamental des femmes d’avorter », souligne l’association.
Frictions politiques
Le texte visant à créer ce délit d’entrave numérique avait dans un premier temps, fin septembre, fait l’objet d’un amendement du gouvernement au Sénat, qui lui avait fermé la porte. Il est revenu sous forme de proposition de loi à l’Assemblée nationale. Où son examen en commission des Affaires sociales, le 23 novembre dernier, a déjà provoqué un esclandre entre élu.e.s de gauche et de droite, ces derniers ayant finalement refusé de participer à l’examen du texte.
Mais le débat aura bien lieu en séance ce jeudi 1er décembre. Ainsi, l’élu d’extrême droite Jacques Bompard, spécialiste des rodomontades anti-IVG, entend défendre pas moins d’une cinquantaine d’amendements.
Le tout dans un contexte plus général de débats sur le droit à l’IVG. Dans l’entre-deux tours des primaires de la droite, François Fillon a été accusé de tenir une position ambiguë sur le droit à l’avortement. Le candidat de la droite à la présidentielle s’y dit personnellement opposé, compte-tenu de sa foi, mais assure qu’il ne reviendrait pas sur ce droit.
Voir : Fillon et l’IVG, c’est compliqué
Rappelons l’adresse du site d’information : ivg.gouv.fr
Et le numéro de téléphone anonyme et gratuit, « Sexualités, contraception, IVG » : 0800 08 11 11 (Le lundi 9h-22h, du mardi au samedi 9h-20h).
