Le rapport de la députée Maud Olivier, qui doit rapidement déboucher sur une proposition de loi, propose de sanctionner l’achat de relations sexuelles. Il s’agit de « dissuader » les clients.
Faut-il punir les clients de prostituées ? Développée depuis deux ans et demi, la question revient sur le devant de la scène, et la réponse apportée par Maud Olivier est positive. Dans un rapport présenté, mardi 17 septembre, la députée PS propose de « pénaliser l’acte de recours à la prostitution ».
« Dissuader le client de pérenniser les situations de violence que son comportement crée et entretient » |
Le rapport, adopté à l’unanimité par la Délégation de l’Assemblée aux droits des femmes, propose de sanctionner d’une contravention de 5e classe – une amende de 1 500 euros maximum – « le fait de solliciter, d’accepter ou d’obtenir des relations de nature sexuelles d’une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, en échange d’une rémunération ou d’une promesse de rémunération ». Il ne s’agit pas d’envoyer les clients en prison, mais de poser un interdit, « dissuader le client de pérenniser les situations de violence que son comportement crée et entretient », souligne la députée.
Elle propose par ailleurs la création d’une peine complémentaire, « un stage de sensibilisation aux conditions d’exercice de la prostitution », à l’image des stage de sensibilisation à la sécurité routière
Le faux argument suédois
Le débat donc a repris de plus belle. La mauvaise foi avec lui. Dans la presse, les opposants à la pénalisation des clients ont la parole, avec un argument récurrent (ici dans Le Figaro, ou là dans Libération ) : la pénalisation des clients forcera les prostituées à se cacher davantage et les mettre en danger ; la preuve, c’est ce qui s’est passé en Suède.
Un faux argument : une analyse détaillée du modèle suédois (où l’achat sexuel est interdit par la loi depuis 1999) ne permet pas de dire que les violences et les risques pour les prostitué(e)s ont augmenté (Voir : Punir les clients de prostituées : étude de cas suédois). De même, on ne peut « pas dire si le nombre total de personnes se prostituant en Suède a baissé ou augmenté après la pénalisation. » Enfin, il n’existe aucune preuve permettant de dire que la traite a augmenté suite à la pénalisation des clients. Elle aurait eu, au contraire, plutôt tendance à limiter la traite (On notera qu’à l’inverse, les partisans de la pénalisation des clients ont tendance à enjoliver le bilan suédois).
Abrogation du délit de racolage
Les opposants à la pénalisation des clients – qui comptent dans leurs rangs un grand nombre d’associations, mais qui n’ont mobilisé que quelques dizaines de personnes pour manifester mardi devant l’Assemblée – font par ailleurs un drôle d’amalgame. « Non à la pénalisation des clients… et au délit de racolage public ». Mais l’abrogation de ce délit est justement prévue, le Sénat l’a votée fin mars et Maud Olivier considère dans son rapport qu’il « stigmatise » la prostituée et en « fait une délinquante ».
Le rapport, qui contient une série de propositions, insiste en outre sur l’accompagnement, la réinsertion, des personnes prostituées. Des mesures plus que nécessaires alors que les crédits alloués aux associations de soutien aux personnes prostituées ont été divisés par trois ces cinq dernières années.
Ces propositions vont déboucher sur une proposition de loi qui devrait commencer à être examinée par le Parlement avant la fin de l’année. Si la question déchaîne les passions, elle dépasse en tout cas le clivage droite/gauche. Lundi 16 septembre, intervenant lors de l’examen du projet de loi sur l’égalité entre les femmes et les hommes, la sénatrice UDI Chantal Jouanno (qui travaille de son côté sur le sujet au Sénat) allait aussi dans le sens de la pénalisation des clients : « la grande majorité des personnes prostituées sont victimes d’un crime organisé d’une violence inouïe (…) Leurs clients sont indirectement complices. La distinction entre traite et prostitution fait le jeu des réseaux. »
Débat en France, et ailleurs en Europe :
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