Porter un enfant et porter un mandat… de plus en plus d’élues bousculent les codes d’un monde politique encore façonné par les hommes.

Le plafond de verre de la maternité vient-il d’être définitivement brisé en politique ? Le 24 septembre 2025, l’élue allemande Hanna Steinmüller est intervenue en séance plénière en portant son bébé à la tribune. Un geste salué par le Parlement allemand. Signe qu’une carrière en politique peut enfin rimer avec maternité.
Ministre et mère
Le geste d’Hanna Steinmüller a jeté un pavé dans la marre. Devenir mère a longtemps valu aux femmes politiques d’être remises en cause et mises de côté. Cette stigmatisation impacte durement leur expérience de la maternité. Dans le documentaire Au pouvoir et enceintes (2025), la journaliste Saveria Rojek croise le vécu de cinq femmes politiques qui ont en commun d’avoir été enceintes pendant leur mandat : Aurore Bergé, Sarah El Haïry, Olivia Grégoire, Marlène Schiappa et Mathilde Hignet.
Aurore Bergé, alors ministre déléguée à l’Égalité entre les femmes et les hommes, rapporte qu’elle a préféré cacher sa grossesse durant la campagne des législatives en 2022. « Je ne veux pas que ça me désavantage », se remémore-t-elle, alors qu’elle voulait prendre prendre la présidence de son groupe à l’Assemblée nationale, et déplore que la maternité représente encore le « risque d’une petite mort sociale et d’une petite mort professionnelle ».
Pourtant, depuis longtemps, les femmes politiques tentent de changer les mentalités. Déjà en 1992, Ségolène Royal avait choisi de médiatiser son accouchement pour briser ce tabou. C’est aussi ce qui pousse certaines à surcompenser pour concilier leur portefeuille ministériel et leur maternité, comme Rachida Dati qui, en 2009, était de retour à l’Élysée cinq jours après son accouchement.
L’institution politique n’est pas la seule à stigmatiser les femmes. Dans ce même documentaire, la député Olivia Grégoire (Ensemble pour la République) se remémore l’attitude culpabilisatrice d’un médecin à son égard, alors qu’elle est âgée de 42 ans et qu’elle avait vécu trois fausses couches. Le médecin lui lance : « Mais il me semble que vous avez fait votre choix » entre « ministre ou maman ».
« L’institution a été pensée par des hommes pour des hommes »
Au-delà des injonctions qui pèsent sur les femmes politiques, l’institution elle-même n’est pas pensée pour les congés parentaux, davantage endossés par les femmes que par les hommes. Résultat : la députée Mathilde Hignet (LFI), n’avait pas pu être remplacée par son suppléant après son accouchement en 2022. « L’institution a été pensée par des hommes pour des hommes », déplore-t-elle.
À l’échelle européenne aussi, la maternité demeure un obstacle pour les élues. Mais l’espoir d’un changement émerge progressivement. Le 17 juin 2025, la présidente du Parlement Européen, Roberta Metsola, a formulé une proposition devant l’hémicycle européen visant à renforcer les droits en matière de maternité pour les députées européennes. Le but ? Permettre aux élu.e.s en congé parental (maternité et paternité) de voter, même à distance, ce qui n’est pas le cas actuellement dans les institutions européennes. En 2023, quatre élues européennes enceintes n’avait pas pu voter, ou faire voter leur suppléant, durant leur congé maternité. Interrogée par Ouest France après les déclarations de Roberta Metsola, l’eurodéputée insoumise (LFI) Leïla Chaibi estime que « c’est comme si on devait faire le choix entre nos électeurs et notre nouveau-né ». Elle ajoute : « Quand on ne peut pas voter, des centaines de milliers d’électeurs sont privés de leur représentant. Et si on veut un Parlement plus représentatif de la société, il faut faciliter l’entrée des femmes au poste d’élu ».
La proposition de Roberta Metsola doit désormais être validée par les chefs d’États et de gouvernements. En France, les députés de l’Assemblée Nationale bénéficient déjà de cette mesure. Ce n’est plus aux femmes de s’adapter à l’institution mais bien à l’institution de s’adapter aux femmes.
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